Communauté genevoise d’action syndicale

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Paru dans Le Courrier

Les patrons doivent désormais aussi payer les « heures fériées »

mercredi 10 septembre 2008 par Claude REYMOND

Nous remercions Michel Schwéri d’avoir attiré notre attention sur sa contribution...

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Paru le Mercredi 10 Septembre 2008

MICHEL SCHWERI

Genève DROIT - Selon la justice genevoise, les salariés engagés à l’heure ont droit à 3,87% de supplément salarial pour payer les jours fériés.

Au rayon du paiement des jours fériés, la jurisprudence se précise en faveur des salariés. Selon une décision de la Cour d’appel du Tribunal des prud’hommes genevois prise en mars 2008, les travailleurs rémunérés à l’heure ont droit à un surplus de salaire brut de 3,87% afin de compenser les neuf jours fériés du canton, durant lesquels ils ne travaillent pas mais ne sont pas non plus payés. La doctrine juridique en la matière évolue donc, puisqu’un tel dédommagement n’entrait jamais en ligne de compte avant 2002.

Le désaccord jugé en mars opposait, dès 2006, la présidente de l’Association des enseignants de l’Institut de formation des adultes de Genève (IFAGE) et son employeur. « Dans la foulée du rassemblement des cours industriels et des cours commerciaux du soir pour former l’IFAGE, la stabilisation d’un noyau de professeurs en contrat à durée indéterminée avait été acquise à fin 2004 », explique Giovanna Fanni. « Leurs salaires ont été mensualisés et ces maîtres ont dès lors eu congé durant les jours fériés tout en étant payés. A l’inverse de leurs collègues toujours payés à l’heure qui, eux, n’avaient pas de revenu durant ces jours de fête. » Disposant d’une assurance d’assistance juridique et ne craignant pas une éventuelle perte d’emploi, Mme Fanni a porté ce problème devant les Prud’hommes pour obtenir une décision de principe.

200 000 salariés concernés

Et elle a gagné en première instance, puis en appel en mars 2008. Les juges du travail ont considéré qu’une indemnité doit être effectivement ajoutée au salaire brut du personnel engagé à l’heure pour compenser les jours fériés. Un peu comme le supplément de vacances de 8,33% ou 10,64% du salaire de base – respectivement pour quatre ou cinq semaines de congé – s’ajoute afin de permettre à ces travailleurs de prendre des vacances réellement payées. La Cour a donc fixé la compensation des jours fériés à 3,87% du salaire brut pour neuf jours fériés.

Un tel jugement n’est pas anodin. D’abord pour les centaines d’enseignants de l’IFAGE payés à l’heure ayant obtenu le rétroactif sur les cinq dernières années. Mais aussi pour tous les salariés du pays travaillant dans des conditions similaires. Selon les résultats de l’Enquête suisse sur la population active en 2007 (ESPA), au moins 200 000 employés en Suisse – soit environ 6,7% des salariés – seraient rémunérés à l’heure. En effet, une telle proportion des personnes sondées a indiqué un montant-horaire sous la rubrique « salaire » du questionnaire. On peut en déduire que ces salariés sont engagés à l’heure, estime-t-on à l’Office fédéral de la statistique.

Une doctrine « bien établie »

Spécialiste du droit du travail, Me Christian Bruchez explique la décision des Prud’hommes. « Avant, les jours fériés étaient payés aux employés non mensualisés uniquement si leur contrat ou une convention collective le prévoyait. En 1994, la Confédération a instauré le 1er Août comme jour férié supplémentaire, dont le paiement est expressément prévu dans la Constitution elle-même. Ensuite, dans sa thèse de doctorat, la juriste Pascale Byrne-Sutton s’est appuyée sur un Pacte de l’ONU ratifié par la Suisse pour démontrer que tous les jours fériés doivent être payés à tous les travailleurs, mensualisés ou non. »
En effet, publié en 2001, le volume sur le travail à temps partiel de Mme Byrne-Sutton défend pour la première fois l’« application directe » de la disposition onusienne, « suffisamment concrète et précise » pour se passer d’une législation nationale.

Reprenant cet argument à leur compte, les Prud’hommes genevois avaient déjà décidé en 2002, « vu la primauté du droit international », que « ce principe de la rémunération des jours fériés étend ses effets dans les rapports entre employeur et employés : les salariés payés à l’heure sont donc fondés à s’en prévaloir », rappelle Me Bruchez en citant la jurisprudence publiée.

Par précaution, l’avocat signale toutefois que le Tribunal fédéral, n’ayant pas été saisi, la Haute Cour ne s’est pas prononcée dans ce domaine. Le jugement genevois de mars 2008 reste donc la jurisprudence la plus élevée à ce jour. Cette interprétation favorable aux travailleurs est de plus en plus partagée par les sommités du droit, ajoute-t-il. Aux yeux de Me Bruchez, cette nouvelle doctrine est désormais « bien établie ». I