Communauté genevoise d’action syndicale

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Paru dans le Courrier du 22 mars 2007

Edipresse pris en flagrant délit de violation de la liberté syndicale

lundi 26 mars 2007 par Claude REYMOND

OLIVIER CHAVAZ

En infligeant un avertissement
au président de la société des
rédacteurs et du personnel
(SDRP) de la Tribune de Genève,
Alain Dupraz, Edipresse a violé
la liberté syndicale. Cette
conclusion sans ambiguïté
émane de la Chambre cantonale
des relations collectives de
travail. L’instance paritaire était
appelée à se prononcer sur un
conflit opposant les représentants
des employés au directeur
des publications régionales
d’Edipresse, Eric Hoesli. Dans
une décision rendue le 20 février
dernier, elle recommande1
le retrait pur et simple de la
sanction prononcée en juillet
2006, même si le journaliste a
entre-temps quitté le quotidien.

Les origines de cette affaire
remontent à septembre 2005
quand la SDRP, constatant que
le dialogue social est au point
mort, saisit la Chambre des relations
collectives de travail.
Alors que des mesures de restructuration
ont été prises et
que des transferts et des suppressions
de postes sont à
l’ordre du jour, les représentants
du personnel de la Tribune
de Genève s’estiment court-circuités
par la direction. La SDRP
pose trois exigences : la reconnaissance
formelle de son rôle,
la transmission d’informations
comptables et sa consultation
sur les transferts de personnel
vers d’autres titres du groupe.

Menace de licenciement

Face à ces revendications,
Eric Hoesli reste de marbre :
Edipresse n’a manqué à aucun
de ses devoirs. La compétence
de l’organe paritaire dans ce
conflit est même contestée. Celui-
ci persiste néanmoins dans
sa volonté de « reconstruire la
confiance nécessaire à la poursuite
du dialogue social »,
convoquant les parties à
maintes reprises jusqu’en juin
2006. Sans succès. Lors de la
dernière audience, la SDRP
évoque les attaques personnelles
dont son président est
victime. Alain Dupraz craint
pour son poste.
Le mois suivant, le journaliste
est convoqué par Eric
Hoesli. L’entretien vire au réquisitoire
et se conclut par un avertissement
écrit : à la prochaine
incartade, c’est le licenciement.
En substance, le directeur juge
le représentant du personnel
déloyal envers son employeur :
il propage sciemment des informations
erronées, y compris à
l’extérieur de l’entreprise, et
viole la confidentialité. Enfin, le
cadre d’Edipresse envisage ce
conflit sur un strict plan individuel.
Le journaliste rejette l’essentiel
des critiques mais admet
une erreur et quelques
maladresses.

Ebranlés par ce qu’ils
considèrent comme une mesure
d’intimidation antisyndicale,
quelque quatre-vingts collaborateurs
de la Tribune de Genève
signent une pétition demandant
le retrait de l’avertissement.
En vain. C’est ainsi que la
Chambre est de nouveau saisie
l’automne passé.
Dans sa décision du 20 février
2007, elle confirme le caractère
collectif d’un litige qui
démontre « à l’évidence le danger
qui existe pour un employé
de prendre fermement la défense
de ses collègues en présidant
une association syndicale
 ». Elle affirme que « la voie
choisie par Eric Hoesli pour
protester contre les agissements
de son employé (...) n’était
pas conforme au régime légal
 », soit la loi fédérale sur
l’information et la consultation
des travailleurs dans les entreprises.
Edipresse aurait dû faire
part de ses griefs contre Alain
Dupraz à la SDRP.

Soulagement du personnel

Cette dernière devait se
réunir aujourd’hui pour se déterminer
sur la suite à donner
à cette affaire. Lors de leur dernière
assemblée, les employés
avaient renoncé à élire un
nouveau président en attendant
l’issue du conflit. S’exprimant
à titre personnel, Laurence
Bezaguet, membre du
comité de la SDRP, se dit « satisfaite
et rassurée qu’un représentant
du personnel soit
protégé dans le cadre de son
activité ». « Cela clarifie la situation.
Je souhaite que le dialogue
social puisse redémarrer
sur des bases saines », ajoute la
journaliste.

Le principal intéressé, qui
travaille aujourd’hui pour
l’hebdomadaire chrétien Echo
Magazine, estime que cette décision
constitue « un avertissement
à l’éditeur pour qu’il respecte
la liberté syndicale, une
liberté importante de notre société
 ». « J’espère que les recommandations
de la Chambre seront
suivies », glisse Alain
Dupraz. La question demeure,
car Eric Hoesli n’a pas souhaité
s’exprimer hier et le service juridique
d’Edipresse n’a pas recontacté
Le Courrier. I

1Cette instance n’a pas de pouvoir
contraignant.

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2007-02-20_jugement_TDG.pdf