Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Au secrétariat de l’USS, le 6 février 2007

reconsidérer notre attitude générale à l’égard du « monde » paysan

mardi 13 février 2007 par _information fournie par la composante

Au secrétariat de l’Union syndicale suisse

Cher Daniel LAMPART

Merci d’avoir prié ta collaboratrice de me faire parvenir la réponse du 17 janvier 2006 de l’USS à la consultation « Agrarpolitik 2011 : Weiterentwicklung der Agrarpolitik - Vernehmlassung des Schweizerischen Gewerkschaftsbundes (SGB) ».

Comme mes connaissances élémentaires de l’allemand ne me permettent pas d’en prendre connaissance, je l’ai communiquée à une amie pour qu’elle m’en donne la substance. Laquelle me renvoyait un texte de son organisation mentionnant les positions de base exprimées par l’USS, telle que :

  1. l’agriculture serait la principale responsable de « l’ilot de cherté » en Suisse et que la politique agricole devrait avoir comme objectif de faire baisser les prix des denrées alimentaires au niveau allemand ;
  2. l’agriculture empêcherait la Suisse d’entamer des négociations commerciales et lui fermerait ainsi l’accès à des marchés internationaux prometteurs ;
  3. l’avenir ne peut être vu que dans une évolution massive des structures agricoles et
  4. l’efficience de l’agriculture ne sera assurée qu’en favorisant les grosses exploitations.

Avant de rédiger cette position a-t-on vraiment consulté les organisations professionnelles du secteur ? Comment la plus importante organisation syndicale faîtière du pays peut-elle reprendre à son compte les préceptes des pires économistes bourgeois ? Cela me stupéfie, d’autant plus que l’USS se déclare :

  1. être favorable à une production de biens et de services indigènes de qualité, avec des conditions de travail correctes et des conditions de production respectueuses de l’environnement ;
  2. disposée à soutenir des échanges NORD-SUD équitables qui ne participent pas au pillage colonialiste et néolibéral ;
  3. soucieuse de formation professionnelle permettant de mettre en œuvre partout les plus récentes découvertes scientifiques et qui participent au développement durable ;
  4. convaincue de la nécessité de respecter le principe de précaution en matière d’organismes génétiquement modifiés ;
  5. intéressée à une protection appropriée du tissu économique suisse constitué essentiellement par de petites et moyennes entreprises.

En outre, je ne pense pas que l’orientation USS du 17-01-2006 en matière de politique agricole puisse donner de l’air au secteur concerné pour réaliser au mieux la proposition « Proposition A 03 Unia » adoptée par notre dernier congrès ; laquelle dit « Comme il s’agit généralement d’emplois précaires ou que la durée du travail oscille entre 45 et 50 heures, un tel salaire minimum pourrait consister en un salaire horaire d’au moins Fr. 20.— par exemple. Le montant serait fixé sur la base notamment du salaire moyen national ».

Lorsque je proposai le 30 janvier 2007 au Comité USS de signer la pétition contre la PA 2011, j’étais loin d’imaginer que celui-ci se fut déjà engagé dans les principales voies recommandées par le Conseil fédéral.

Or je ne suis pas certain que les membres du Comité USS aient bien compris les objectifs de la politique fédérale agricole préconisée par nos autorités, qui consiste à

  1. relever de 0,75 à 1,25 l’unité de main-d’oeuvre standard (UMOS) qui permet à une entreprise agricole d’être reconnue comme telle = seules 31853 exploitations agréées sur les 64’000 du pays, alors que toutes assument des prestations d’intérêt général et écologiques. Cette modification aura également pour conséquence d’exclure la moitié des fermes du droit foncier rural, ce qui aura pour effet qu’elles ne seront plus remises à leur valeur de rendement mais reprises aux valeurs vénales du marché, à des coûts considérablement plus élevés ;
  2. tout en n’intégrant toujours pas dans la détermination de l’UMOS le travail de transformation de leurs produits par les paysans eux-mêmes (saucisses, fromages, confitures…), omission qui dissuade ces derniers de mettre en valeur des produits régionaux de qualité = une politique agricole sans véritable réflexion économique, peu innovatrice mais surtout discriminante ;
  3. ne promouvoir que des exploitations professionnelles à plein temps au détriment des autres = ségrégation entre les différents types d’exploitation qui peuvent être à la fois viables et assumer les tâches que l’on attend d’elles ;
  4. ignorer le scrutin majoritaire de 1996 au travers duquel le peuple suisse a adopté le principe d’une agriculture diversifiée, respectueuse de l’environnement et des ressources naturelles et participant à une occupation décentralisée du territoire ;
  5. ne pas tenir compte de la volonté populaire exprimée le 27 novembre 2005 pour des aliments produits sans manipulations génétiques ;
  6. ne pas entreprendre une gestion maîtrisée des volumes de production qui évite le gaspillage et les déchets, qui réduise la pression sur les prix agricoles ;
  7. ne pas intervenir sur l’exigence d’un respect de prix équitables aux paysans - qui les mettraient à l’abri des abus de la position dominante des transformateurs et des distributeurs, position qui a permis à ces derniers de s’approprier la plus grande part des marges de l’agriculture : en 15 ans les prix agricoles ont diminué de 25% alors que pendant la même période les prix à la consommation augmentaient de 10% !

On relèvera au demeurant que la PA 2011 maintient voire renforce les paiements directs (au détriment des soutiens au marché), dispositif permettant de rétribuer les prestations particulières que fournissent les familles paysannes. Mais encore faudra-t-il que ces paiements directs rémunèrent des prestations et ne soient pas utilisés comme moyen d’abaisser les prix de production. Les réformes successives de la politique agricole ont souvent fait un doux mélange entre les rémunérations pour des prestations (paiement directs) et la rémunération pour la production de denrées alimentaires (prix des produits agricoles). La différenciation devrait permettre d’exclure des effets compensatoires favorisant au final les intermédiaires tels que les transformateurs ou distributeurs.

Je souhaiterai appeler l’USS à reconsidérer sa position au sus des 7 axes mentionnés ci-dessus pour s’éviter une faute politique dans ce dossier : parce tous renforcent la précarisation, accroissent notre assujettissement aux prédateurs de l’économie mondiale, alors qu’il faudrait reconnaître le droit à la souveraineté alimentaire en l’inscrivant dans la loi sur l’agriculture.

Comment penses-tu qu’il soit possible de convaincre notre comité de reconsidérer son attitude générale à l’égard du « monde » paysan ?

En d’adoptant, par exemple, une position plus nuancée que celle de janvier 2006, pour recommander à nos alliés sous la Coupole fédérale de combattre les 7 axes susmentionnés lors de leurs débats en mars 2007 sur la politique agricole 2011 ?

Parce que mon questionnement pourrait te distraire d’autres priorités que t’aurait imparties le Comité directeur, j’en avise notre président Paul Rechsteiner - qui nous lit en copie - afin qu’il t’autorise, d’une part, à me répondre et, d’autre part, à préparer une résolution sur le sujet pour notre prochain comité dont l’ordre du jour contient la question formulée en titre.

De plus, ne pouvant m’exprimer qu’au nom du seul mouvement syndical genevois, il me faudra informer de ces démarches mes collègues des autres Unions syndicales cantonales avant notre prochaine Conférence nationale du jeudi 22 février 2007.

Cordiales salutations, Claude REYMOND, secrétaire syndical CGAS

+ 3e représentant des Unions syndicales cantonales auprès du Comité USS