Communauté genevoise d’action syndicale

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Pour un mouvement syndical sans violences sexistes

Position adoptée par le Comité extraordinaire du 11 mai 2021 de la CGAS sur Avenir syndical

mercredi 12 mai 2021 par Joël VARONE

La liberté syndicale est une valeur à défendre, l’égalité et la lutte contre le sexisme le sont tout autant. Position de la CGAS à l’égard d’Avenir syndical.

De « l’affaire Roger » à la création d’Avenir syndical

Le 7 décembre 2019, une dizaine de femmes, dont des collègues syndicalistes, témoignaient dans un article de presse des violences sexistes subies de la part d’un secrétaire syndical occupant « une fonction importante dans un syndicat genevois » : gestes déplacés, lourdes insistances, contacts non désirés et abus de pouvoir, étalés sur plusieurs années. C’est « l’affaire Roger », du prénom fictif dont l’affuble le journal.

Dix jours plus tard, le comité de l’organisation faîtière des syndicats genevois (la CGAS), adoptait une résolution « A propos des violences sexistes dans le milieu syndical » condamnant fermement ces agissements, apportant son soutien aux victimes, et exigeant que des mesures de protection soient immédiatement prises à leur égard.

Depuis ces révélations dans la presse, les victimes ont toutefois subi la négation de leur parole de la part d’une minorité de syndicalistes ne se retrouvant pas dans la résolution adoptée par la CGAS. Elles ont été traitées de menteuses, de manipulatrices ou de manipulées, et de s’être prêtées à un complot ourdi par le patronat. Cette minorité de syndicalistes créa un comité de soutien au secrétaire syndical mis en cause, et lança un appel public dont le contenu reprenait cette thèse du complot au mépris de la parole des victimes.

Alors lorsque l’employeur prit la décision après enquête de se séparer du secrétaire syndical mis en cause en invoquant la « tolérance zéro » du syndicat à l’égard des violences sexistes, ce fût le soulagement pour les victimes, la reconnaissance de leur parole.

Quant à la minorité de syndicalistes qui avaient constitué un comité de soutien au secrétaire syndical concerné, ils-elles claquèrent la porte de leur syndicat et créèrent un nouveau syndicat : Avenir syndical, où officie désormais le secrétaire syndical mis en cause.

La lutte contre le sexisme : une valeur syndicale fondamentale

Alors qu’Avenir syndical multiplie les apparitions médiatiques, les syndicats de la CGAS s’interrogent. Est-il possible de collaborer avec ce secrétaire syndical ? Est-il possible de collaborer avec Avenir syndical de la même manière que les syndicats membres de la CGAS collaborent entre eux dans un esprit d’unité syndicale ?

La réponse à la première question est claire : c’est non. Ce n’est pas possible de collaborer avec un secrétaire syndical sur lequel se concentrent plusieurs témoignages de gestes déplacés, lourdes insistances, contacts non désirés et abus de pouvoir. La résolution « A propos des violences sexistes dans le milieu syndical » adoptée le 17 décembre 2019 ne laisse aucun doute sur la position des syndicats genevois : les composantes de la CGAS y ont affirmé haut et fort leur soutien aux victimes. Une position confirmée par le comité de la CGAS du 23 mars 2021 lorsqu’il a appris que certaines victimes sont actuellement objet d’une plainte pénale de la part du secrétaire syndical d’Avenir syndical.

La réponse à la deuxième question soulève quant à elle plusieurs interrogations. Celle de la liberté syndicale, soit la liberté de chacun-e d’adhérer au syndicat de son choix. Celle des loyautés, des liens que des luttes communes ont pu tisser sur le terrain entre militant-e-s au fil des années, et qu’un changement de casquette syndicale ne saurait annuler du jour au lendemain. Celle de l’unité d’action des travailleuses et travailleurs et de leurs organisations respectives face au patronat.

Mais elle pose également la question des valeurs fondamentales. Car lutter ensemble présuppose que l’on soit « du même bord », c’est-à-dire que l’on partage un minimum de valeurs communes.

Or, en créant Avenir syndical, ses militant-e-s fondateurs-trices ont fait un choix :
• Le choix de la rupture objective avec les principes de l’égalité entre hommes et femmes défendus par la CGAS. Celui de la minimisation des violences sexistes et du mépris des victimes.
• Le choix de la division. Car claquer la porte d’un syndicat pour en créer un nouveau est en soi un acte de division, malgré les appels à l’unité. Un acte belliqueux encore aggravé par une politique de recrutement consistant à prospecter et « siphonner » les membres d’autres syndicats à coup de cotisations low cost.

Le discours combatif que fait mine de porter Avenir syndical peut séduire des travailleuses et travailleurs, parfois déjà membres d’autres syndicats, et c’est tant mieux, car cela montre une certaine disponibilité à la mobilisation. Mais cela n’enlève rien au fait qu’en matière d’égalité entre hommes et femmes, Avenir syndical véhicule une vision diamétralement opposée à celle de la CGAS et des syndicats qui la composent : tandis que la CGAS a cru la parole libérée des victimes des violences sexistes perpétrées par le secrétaire syndical mis en cause et œuvre pour un syndicalisme exempt de sexisme, Avenir syndical nie cette parole et de fait légitime les violences sexistes.

Position de la CGAS

Pour la CGAS, la collaboration avec Avenir syndical ne peut donc être ni inconditionnelle, ni promue comme elle peut l’être entre les autres syndicats au nom de la liberté et de l’unité syndicale. Car si les salarié-e-s ont le droit d’adhérer au syndicat de leur choix, chaque syndicat demeure libre de choisir ses alliances, de déterminer avec qui il souhaite collaborer et avec qui il ne souhaite pas le faire.

C’est pourquoi, la collaboration avec Avenir syndical ne sera éventuellement possible que lorsque ce syndicat se sera distancé des actes de son secrétaire syndical, lorsqu’il donnera la garantie qu’il ne tolère pas les violences sexistes au sein du mouvement syndical, et qu’il se sera rallié au contenu de la résolution de la CGAS « A propos des violences sexistes dans le milieu syndical ».

Dans l’intervalle, la CGAS invite ses composantes, les partis politiques et les mouvements sociaux à éviter, autant que les circonstances le permettent en gardant toujours à l’esprit l’intérêt des salarié-e-s :

• De co-signer ou de soutenir des appels d’Avenir syndical
• De participer à des séances intersyndicales ou unitaires avec Avenir syndical
• De mener des luttes en commun avec Avenir syndical

Quant aux salarié-e-s en lutte ou qui aspirent légitimement à faire valoir leurs droits, la CGAS les appelle à faire le bon choix d’organisation syndicale : un choix combatif, et sincèrement unitaire et féministe.

La parole libérée

Le harcèlement psychologique et sexuel sont illégaux. Ils tombent sous le coup de la Loi fédérale sur l’égalité (Art. 5 LEg), de la Loi fédérale sur le travail (Art.6 LTr) et du Code des obligations (Art. 328 CO). Le syndicat, en sa qualité d’employeur, doit veiller à la protection de la personnalité et de la dignité du personnel et de ses membres. Chaque collaborateur-trice et chaque membre a droit à un traitement correct et respectueux de la part de ses collègues, des membres, des usager-ère-s ou des partenaires sociaux préservant son intégrité physique et psychique. Aucune conduite de harcèlement psychologique et/ou sexuel, ni d’atteinte à la personnalité n’est tolérée. Les plaignantes se sont adressées à juste titre à l’employeur parce qu’il doit prendre toutes les mesures pour faire cesser l’atteinte et sanctionner l’auteur.
Le mouvement MeToo a permis la libération de la parole des femmes, notamment de celles qui ont subi des agressions. Auparavant l’isolement engendrait la peur de parler : peur de ne pas être entendue, de ne pas être crue, d’être accusée de menteuse, de manipulatrice ou de manipulée, de ne pas « avoir d’humour », ou pire encore, de l’avoir « cherché ». Parce que le Code pénal ne punit que les formes les plus extrêmes des violences sexistes (et encore, l’absence de consentement n’est toujours pas considéré comme déterminant), parce que les agressions ont presque toujours lieu sans témoins direct-e-s, parce que les actes de violences sexistes sont trop souvent minimisés, parce qu’entreprendre une procédure est toujours lourd et risqué, les victimes renoncent presque toujours à déposer une plainte.Alors lorsqu’elles sortent de l’isolement, qu’elles libèrent la parole, il faut les entendre. Remettre une fois encore en cause la parole de plusieurs femmes qui ont osé parler des violences sexistes qu’elles ont vécues, revient à les agresser une deuxième fois pour les faire taire. Souvent, de victimes, elles se retrouvent accusées de diffamation par l’auteur des comportements déplacés. Elles vont devoir se justifier devant les tribunaux, avec le risque de se retrouver condamnées. C’est une troisième agression qu’elles subissent



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