Communauté genevoise d’action syndicale

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à propos de de l’initiative sur les préférences nationales : traduisez « Dumping d’abord »

Le texte se garde bien de proposer des mesures concrètes pour réaliser ce « droit à l’emploi »

jeudi 10 novembre 2016

publié par la Tribune de Genève le 3-11-2016



Alessandro Pelizzari Secrétaire régional Unia Genève

L’initiative « Genève d’abord ! » de l’UDC prévoit l’inscription dans la Constitution cantonale d’un « droit à l’emploi », entendu comme « droit des citoyens et des résidents à n’être ni discriminés à l’embauche, ni privés de leur emploi, ni obligés à consentir à des réductions significatives de leur salaire ».

La préférence cantonale comme vecteur pour obtenir une meilleure protection contre les licenciements et contre la sous-enchère salariale, voilà de quoi ravir les syndicats ?

Non, évidemment. Au-delà de la démagogie propre à un parti qui participe à tous les niveaux au démantèlement des droits sociaux et des protections des travailleurs, le texte se garde bien de proposer des mesures concrètes pour réaliser ce « droit à l’emploi ». Et pour cause : il est impossible de modifier le droit du travail au niveau cantonal, celui-ci étant du seul ressort fédéral. Auteur du projet, l’avocat Yves Nidegger en est évidemment conscient, mais la perspective de surfer sur la souffrance de personnes ayant vécu des baisses salariales ou la perte d’emploi vaut bien un écran de fumée.

En construisant un lien causal entre les pressions subies sur le marché du travail et « l’afflux indifférencié de main-d’oeuvre étrangère » (on apprend donc que ce sont les immigrés, et non pas les patrons, qui licencient et baissent les salaires !), l’initiative déboucherait au mieux sur une variante cantonale de la « préférence nationale » telle que le parlement fédéral s’apprête à introduire sous forme d’une obligation d’annonce aux Offices régionaux de placement (ORP) des postes vacants.

Or, un tel dispositif est parfaitement inadéquat pour combattre tant le chômage que la sous-enchère salariale. Tout d’abord, parce que le chômage n’est que très partiellement dû à la libre circulation, à l’exception de branches comme le bâtiment, la restauration ou le nettoyage.

Ensuite, parce que dans ces branches-Ià, justement, les pratiques abusives des entreprises qui aujourd’hui licencient et remplacent le personnel pour baisser les salaires ne sauront être empêchées par la seule obligation d’annonce aux ORP. Et finalement, parce qu’une telle mesure risque même d’accentuer le dumping, les candidats présentés par un ORP étant contraints d’accepter des salaires « convenables ».

Ainsi, l’initiative « Genève d’abord ! », avec son seul et unique objectif de stigmatiser les salariés immigrés, cache mal le « Dumping d’abord ! » dont elle est porteuse. Osons le pari qu’elle subira le même sort que l’initiative « Contre l’immigration de masse », rejetée en 2014 par 61% des votants genevois.



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