Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Déclaration sur le droit de grève

lundi 13 novembre 2006 par Claude REYMOND

Chères et chers collègues,

je souhaiterai que la déclaration que nous adopterons exprime les fondamentaux du syndicalisme et qu’elle ne soit pas en retrait de ce que nous avons déjà décidé en la matière.

Dès lors je demande

Au chiffre 1. La suppression des trois premiers mots « Dans une démocratie » puisque le droit de grève est universel et que nous voulons le voir exister même là où il n’y a pas de démocratie.

Au chiffre 2. On peut lire « Le droit de s’organiser syndicalement et le droit de grève, en tant que moyen de lutte collectif, sont le contrepoids du pouvoir économique des employeurs. » Je demande la suppression du mot « économique » parce que le pouvoir des employeurs est aussi politique, juridique etc. et que nous voulons pouvoir nous opposer à tous.

Au chiffre 4 je demande la suppression de « Moyen de lutte démocratique » parce nous savons bien qu’il y a une différence entre démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne.

Au chiffre 6 je demande la suppression de « L’État doit rester neutre en cas de conflit de travail » parce que là où la gauche a réussi à élire les siens, nous n’hésitons jamais à solliciter ceux-là pour intervenir, même très souvent avant que nous déclenchions une grève.

De plus, notre pays a l’avantage de connaître le tripartisme et que dans cette institution l’Etat doit s’y exprimer. Aussi je considère incongru que l’on souhaite sa neutralité et son abstention dans des conflits de travail !

Au chiffre 10 je vous propose après « Lorsqu’un employeur n’observe pas les fondements du contrat, par exemple en dépossédant ses employé(e)s de leur base existentielle, il ne peut plus invoquer la paix du travail » d’ajouter « , et tous les travailleurs doivent pouvoir exercer leur solidarité de classe pour le contraindre à de meilleures dispositions. »

En effet la faculté d’exercer sa solidarité de classe, même en période de validité de la paix du travail relative, est inscrite dans plusieurs de nos CCT, et nous devons maintenir le droit des travailleurs de se montrer solidaires même s’ils ne sont pas directement partie au conflit.

Finalement, je demande la suppression de tout le chiffre 8 qui traite d’une affaire de blocage qui n’a rien à voir avec la présente déclaration sur le droit de grève.

Mais si vous souhaitez néanmoins faire mention des problèmes que nous rencontrons dans ce type de situation, alors je vous suggère de créer un paragraphe distinct qui indique que « Le moyen de blocage exercé par des organisations de travailleurs est la réponse au « droit du look-out » que le Parlement a offert aux employeurs lorsqu’il était question d’introduire le droit de grève dans la Constitution. »

Nulle part ailleurs qu’en Suisse, on a accordé aux patrons le droit de licencier leur personnel lorsqu’il y a conflit, c’est une légitimation de leur droit d’exercer des représailles ! Donc, à mon avis, c’est dans ce contexte-là que l’on peut y faire mention du blocage d’une entreprise comme moyen d’action syndical.

J’avais d’autres propositions d’amendement, mais dans la mesure où elles sont plutôt cosmétiques, je m’abstiendrais de vous les imposer.

Claude REYMOND, 3e représentant de la Conférence des unions syndicales cantonales au Comité USS et secrétaire de l’Union des syndicats du canton de Genève (+CGAS)


texte original

Déclaration sur le droit de grève
  1. Dans une démocratie, le droit de grève est l’un des droits élémentaires. Il n’implique rien d’autre que le droit des salarié(e)s de se défendre collectivement, si nécessaire à l’aide du moyen de lutte qu’est la grève.
  2. Par rapport à la travailleuse ou au travailleur individuel, c’est l’employeur qui dicte les conditions de travail. Le droit de s’organiser syndicalement et le droit de grève, en tant que moyen de lutte collectif, sont le contrepoids du pouvoir économique des employeurs. À travers le droit de grève, ces derniers constatent à nouveau qu’ils dépendent de la prestation de travail des salarié(e)s.
  3. Le droit de s’organiser syndicalement appartient au noyau dur des droits du travail garanti par les conventions internationales, des droits que les États sont tenus de garantir, qu’ils aient ou non ratifié ces conventions. Le droit de grève est indissolublement lié à la liberté syndicale. Il veille à ce que les travailleuses et travailleurs ne doivent pas tout accepter. Et à ce que non seulement ils désirent ou revendiquent le progrès social nécessaire, mais puissent aussi développer la pression requise pour que celui-ci devienne réalité. Sans droit de grève, la liberté de s’organiser syndicalement n’est qu’un vain mot.
  4. Moyen de lutte démocratique, la grève doit être menée par les salarié(e)s eux-mêmes, et non pas déléguée à des tiers. Elle met non seulement l’employeur sous pression, mais s’adresse en même temps dans une large mesure à l’opinion publique démocratique.
  5. La grève est un moyen de lutte qui n’a cessé d’être engagé avec succès pour la défense des conquêtes sociales. Mais il joue aussi un rôle offensif. Jusqu’à tout récemment, d’importants progrès sociaux n’ont été souvent obtenus qu’à la suite et sous la pression de mouvements de grève. Cela fut aussi bien le cas pour la semaine de 48 heures, en 1919 (la journée de huit heures pour une semaine de six jours ouvrés), que celui, dans les années 40, de la première semaine de vacances payée dans la construction. Certains exemples sont très récents, comme l’introduction, pour la première fois, de la semaine des 40 heures dans les arts graphiques, en 1980, ainsi que de la retraite à 60 ans dans la construction, en 2002. Et dans de nombreux cas où un progrès social a pu être réalisé exclusivement suite à des négociations, le rôle de moyen de pression implicite joué par le droit de grève ne doit pas être sous-estimé.
  6. La nouvelle constitution fédérale reconnaît expressément l’importance fondamentale des syndicats et du droit de grève. L’État doit rester neutre en cas de conflit de travail, une grève licite n’a pas à être sanctionnée. Mais alors que cela aurait dû devenir quelque chose qui va de soi, les patrons invoquent depuis tout récemment les tribunaux après chaque conflit sur les conditions de travail mené sous le signe de la combativité et menacent de porter plainte. Pour l’heure, les patrons et leurs associations peuvent en effet espérer que le tribunal saisi n’a qu’insuffisamment appliqué la nouvelle réglementation de l’article 28 de la constitution. Mais la conception obsolète des choses dont font preuve ces patrons, leurs organisations ainsi que certains tribunaux ne pourront pas empêcher qu’en ce qui concerne la grève, la pratique réalité s’adapte à la nouvelle constitution.
  7. Particulièrement choquantes sont les condamnations pénales pour contrainte prononcées en première instance contre des syndicalistes relativement à la grève menée le 4 novembre 2002 par les ouvriers de la construction. Il s’agissait là d’une grève conforme à la constitution fédérale. Elle déboucha sur un succès immédiat, c’est-à-dire sur l’introduction de la retraite à 60 ans dans le cadre d’une réglementation inscrite dans la convention collective de travail (CCT). La justice n’a pas de droit de sanctionner pénalement après coup une grève conforme à la constitution.
  8. Une manifestation comme celle qui eut lieu devant les portes des Presses centrales à Lausanne le 18 mai 2001, accompagnée du blocage, par les syndicats, d’une entreprise, dont le propriétaire tente de se soustraire à la CCT en se retirant de l’organisation patronale, est un moyen de lutte légitime qui poursuit un but protégé par la liberté de déclencher un conflit de travail selon la constitution. Condamner le syndicat à des dommages et intérêts, c’est violer les garanties fondamentales du droit collectif du travail.
  9. Tout aussi nouvelle que déplacée est l’intention de certains juristes de limiter à nouveau les buts licites de la grève. Pourquoi une grève pour un plan social ou une augmentation de salaire est-elle licite, alors qu’elle ne l’est plus si elle est menée contre des licenciements collectifs et la fermeture d’une entreprise envisagés ? La constitution fédérale qualifie de licite toute grève qui concerne les relations de travail, sous réserve d’obligation de préserver la paix du travail. Les grèves mises sur pied contre la dégradation des conditions de travail ou contre une situation intolérable, des tracasseries ou des injustices restent tout aussi licites que les grèves menées pour l’amélioration des conditions de travail. La grève des femmes de 1991, le plus grand mouvement des syndicats durant les années 90, fut, et reste aussi, un mouvement légitime et légal pour l’égalité de droits et l’égalité en soi.
  10. La paix du travail n’est pas un droit fondamental, mais une obligation qui peut être convenu dans le cadre d’une CCT. Il va de soi que les contrats doivent être respectés. Cela s’applique aux deux parties contractantes. Lorsqu’un employeur n’observe pas les fondements du contrat, par exemple en dépossédant ses employé(e)s de leur base existentielle, il ne peut plus invoquer la paix du travail.
  11. Les syndicats ne cherchent pas la grève et le conflit du travail. La grève est un outil dont l’usage est très exigeant pour celles et ceux qui y participent ; elle n’est pas un but. Le but, c’est la défense et l’amélioration de conditions de travail garanties par de bonnes CCT. Mais tant que les conditions de travail seront constamment mises sous pression et attaquées comme ces dernières années, et tant que les travailleuses et les travailleurs ne participeront pas dans une mesure appropriée aux résultats réalisés par l’économie, les syndicats seront contraints de développer encore plus l’aptitude à faire grève.
PS:

La table de la présidence du congrès n’a pas jugé utile de s’exprimer sur cette intervention, ni de soumettre au vote les propositons d’amendement. Le texte original est celui qui fut publié le 11 novembre 2006 sur le site WEB de l’USS.

Mais lorsque l’on dut se référer à cette résolution quelques années plus tard, elle fut mise en circulation avec l’entier des amendements proposés...