Communauté genevoise d’action syndicale

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OUI à l’initiative « pas de spéculation sur les denrées alimentaires »

vendredi 19 février 2016 par Claude REYMOND

Durant les années 2007 et 2008, le monde a connu une crise alimentaire et une hausse extrême du prix des denrées. Les causes de cette situation sont d’une part de mauvaises récoltes, la croissance de la population mondiale de l’autre. Mais ces facteurs seuls ne peuvent pas expliquer les augmentations extrêmes des prix des denrées, comme le démontre une étude de la CNUCED. La financiarisation du marché des matières premières a créé et multiplié les bulles spéculatives sur les prix, comme ce fut le cas en 2007/2008 et en 2011. En conséquence, les populations des pays en développements n’ont plus les moyens d’acheter de la nourriture et souffrent de la famine, cela même si les hausses de prix sont de courtes durées.


2016-02-19

Initiative « Stop à la spéculation »

Consternés par les arguments erronés des opposants à l’initiative, nos organisations tiennent à rétablir les faits.

Deux types de spéculation

L’initiative « Stop à la spéculation » distingue clairement deux types de spéculations :

- une spéculation inhérente aux marchés agricoles et saine qui permet aux paysannes et paysans de vendre leur production à un prix fixé préalablement à la récolte, de les prémunir des risques et d’y trouver des investissements. C’est dans cette activité que sont actifs la majorité des emplois du secteur en Suisse.

- une spéculation abusive, uniquement motivée par l’appât du gain, qui a débuté dans les années 2000, avec la déréglementation des activités des banques d’investissement aux Etats-Unis et le développement des fonds indiciels. Cette activité s’est accélérée avec la crise des subprimes dès 2006 où des fonds spéculatifs, des fonds de pension et des banques d’investissement se sont rabattus sur le marché des matières premières pour se protéger de la chute des cours des actions et obligations. L’entrée sur le marché de ces acteurs colossaux et leurs mouvements massifs de capitaux ont déstabilisé les marchés et provoqué la volatilité et la hausse des prix des denrées alimentaires de base.

C’est uniquement ce deuxième type de spéculation que l’initiative veut interdire. Elle ne toucherait pas au commerce direct et aux transactions sur le marché réel ni aux couvertures de prix qui permettent la stabilisation du système.

Une dérive du secteur financier

Ces opérations spéculatives sont complètement déconnectées de l’économie réelle. Elles permettent d’investir au-delà des quantités réellement disponibles sur les marchés mondiaux. Certains traders, quand ce ne sont pas des ordinateurs, détiennent parfois plusieurs dizaines de milliers de contrats en même temps. Selon la FAO, seuls 2% des contrats à terme portant sur des matières premières aboutissent désormais effectivement à la livraison d’une marchandise. Les 98% restants sont revendus par les spéculateurs avant leur date d’expiration[1].

Le but des spéculateurs est de réaliser un bénéfice sur la différence entre cours réel et cours fictif qu’ils induisent par leurs manipulations. Une étude a établi qu’entre 2003 et 2008 la spéculation sur les matières premières au moyen de fonds indexés avait augmenté de 1900%[2]. On parle de 13 milliards investi en 2003 dans les fonds indiciels de produits de base à 317 milliards en 2008 et d’un nombre de contrat à terme sur les cours du maïs qui est passé de 500’000 à 2,5 millions sur la même période[3]. Ces montants dépassent largement les besoins de liquidité nécessaires dans ces marchés pour assurer les transactions des utilisateurs de ces produits (industries de transformation, importateurs).

Ces pratiques ne servent pas l’économie de notre pays et sont indéfendables.

Des effets dramatiques dans les pays les plus vulnérables

La financiarisation des produits de base a augmenté le nombre et l’ampleur des variations de prix et a aggravé la crise de 2008[4]. La hausse de prix a frappé de plein fouet les pays importateurs nets de denrées alimentaires. Ces pays doivent s’approvisionner sur le marché mondial pour nourrir leur population et ne peuvent les protéger de la hausse des prix. Au moins 40 millions de personnes, dans le monde, ont connu la sous-alimentation et les privations du fait de la crise des prix alimentaires de 2008[5]. Confrontées à la hausse des prix, les personnes démunies de ses pays doivent dès lors faire des choix impossible entre leur alimentation, l’éducation de leurs enfants ou leurs soins de santé.

Contre-arguments

On dit que si seule la Suisse se met à réguler ces opérations cela n’aura aucun effet. Mais pourquoi devrions-nous rester complices de ses agissements ? La Suisse joue un rôle prépondérant dans ce commerce et se doit de montrer l’exemple en garantissant des activités économiques au service du développement et du bien-être de toutes les personnes et non pas de quelques privilégiés.

Quant à la prétendue complication de la mise en œuvre, les juristes fédéraux feront leur travail et pourront s’inspirer de la directive sur les marchés d’instruments financiers adoptée par l’Union européenne en 2014 et qui impose des limites dans le négoce des produits agricoles de base. Exigeons la transparence prônée par toutes les autorités de ce secteur pris dans une folle spirale.

Il s’agit de faire les bons choix politiques afin que la protection des droits humains prime sur les intérêts économiques et financiers de quelques personnes. Notre système de démocratie directe nous permet de montrer l’exemple. N’hésitons pas ! On ne joue pas avec la nourriture.

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