Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Contrôle du marché du travail

Genève donne sa réponse à la votation du 9 février 2014

vendredi 4 septembre 2015

Les partenaires sociaux et le Conseil d’Etat acceptent de renforcer le contrôle des entreprises. Une réponse au malaise exprimé le 9 février

paru dans la Tribune de Genève du 03-09-2015

Eric Budry

Genève va très vraisemblablement se doter d’une inspection paritaire des entreprises qui va considérablement renforcer son dispositif de contrôle du marché du travail et permettre de mieux lutter contre la sous-enchère salariale. Les syndicats, les associations patronales et le département de Pierre Maudet ont en effet élaboré un contre-projet à l’initiative syndicale qui allait dans le même sens. Il sera maintenant soumis au Grand Conseil. S’il est adopté tel quel, les syndicats retireront leur initiative.
Présenté hier par le conseiller d’Etat Pierre Maudet et des réprésentant des partenaires sociaux, cet accord est une première suisse. Pour tous les acteurs qui ont participé à la négociation, la création de cette inspection de milice est une manière de répondre au malaise qui a conduit une majorité de Suisses à accepter, le 9 février 2014, l’initiative « Contre l’immigration de masse » de l’UDC.

24 inspecteurs paritaires

« La solution trouvée entre partenaires sociaux est très réjouissante, a ainsi commenté François Longchamp, président du Conseil d’Etat. La situation sur le marché du travail est délicate. Il faut donc trouver des mesures qui apaisent l’inquiétude de la population. »
Le dispositif négocié prévoit la création d’une nouvelle entité qui aura la forme d’une commission officielle : l’Inspection paritaire des entreprises (IPE). Elle sera composée de 12 inspecteurs délégués par la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) et de 12 inspecteurs choisis par l’Union des associations patronales de Genève (UAPG). L’IPE détiendra les mêmes prérogatives que l’Office cantonal de l’inspection des relations du travail (Ocirt). C’est toutefois ce dernier qui, seul, pourra infliger des sanctions (lire également ci-contre).
Le renforcement du contrôle ne s’arrêtera pas là. Le contre-projet donne huit postes de plus à l’Ocirt, qui disposera ainsi également de 24 inspecteurs.
« Les syndicats sont très satisfaits, a précisé Manuela Cattani, présidente de la CGAS. Nous sommes parfaitement dans la cible de notre initiative. Il n’y avait à Genève qu’un inspecteur pour 20 000 employés. Avec cet accord, il y en aura deux pour 10 000. »
« Le soutien de l’UAPG à ce projet pourra étonner certains, mais ce serait mal connaître Genève, a commenté Stéphanie Ruegsegger, secrétaire générale de l’UAPG. Le dialogue social est intense et nous sommes pionniers concernant les mesures de contrôle du marché du travail. Les chefs d’entreprise ont besoin d’un cadre clair et de se battre à armes égales. »

Mise en place en 2016 ?

« Genève apparaît déjà comme le Canton qui détient le contrôle le plus étoffé, a poursuivi Pierre Maudet, responsable de l’Economie. En 2014, le tiers des contrôles effectués en Suisse l’a été ici. Tout cela vise à répondre à la demande de la population de renforcer les contrôles, mais aussi à conserver les accords bilatéraux. »
En effet, le magistrat PLR n’en fait pas mystère : « L’IPE est une mesure des entreprises, des syndicats et de l’Etat pour convaincre la population si on devait voter à nouveau sur le 9 février l’année prochaine. » C’est la raison pour laquelle tous les négociateurs souhaitent aller très vite. L’objectif est un vote du parlement avant Noël et une mise en place du dispositif dans le courant de 2016.
Il fallait bien cet enjeu majeur pour réussir le miracle de réunir tout le monde autour d’un contre-projet. Car l’affaire était plutôt mal partie. L’initiative des syndicats avait provoqué la colère de la droite et des employeurs car elle attribuait aux seuls syndicats le droit de nommer les inspecteurs.
Il s’en était du reste fallu d’un cheveu, en décembre 2012, pour que le Grand Conseil l’invalide complètement. Finalement, c’est le Tribunal fédéral qui a tranché en juin 2014, refusant que l’inspection soit composée unique- ment de représentants syndicaux. A partir de là, les négociations pouvaient démarrer.


« Le dialogue social est intense et nous sommes pionniers concernant les mesures de contrôle du marché du travail »
Stéphanie Ruegsegger
Secrétaire générale de l’Union des associations patronales de Genève


Une entité autonome qui aura carte blanche

L’Inspection paritaire des entreprises (IPE) sera composée de 24 inspecteurs, qui seront choisis à parts égales par la faîtière des syndicats et celle des employeurs. Ils seront ensuite nommés par le Conseil d’Etat pour cinq ans. L’IPE agira de son propre chef. La forme juridique choisie est celle d’une commission officielle, dirigée par un bureau paritaire de quatre personnes. Les inspecteurs recevront des jetons de présence (65 francs par heure).
Les inspecteurs pourront contrôler n’importe quel secteur économique, avec ou sans convention collective de travail. L’IPE œuvrera de fait en complément de l’Office cantonal de l’inspection des relations du travail (Ocirt) et des commissions paritaires existantes.
Seul l’Ocirt pourra infliger des sanctions.
Le projet prévoit également l’engagement de huit inspecteurs supplémentaires à l’OCIRT. Le coût global de fonctionnement du dispositif a été évalué à trois millions de francs par an. E.BY



« C’est un accord important aussi pour la Suisse »

Manuela Cattani et Alessandro Pelizzari, respectivement présidente et vice-président de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), espèrent que le projet genevois fera tache d’huile ailleurs en Suisse.
Comment expliquez-vous avoir pu négocier avec les employeurs un renforcement du contrôle des entreprises ? Manuela Cattani (M.C.) Pour les mêmes raisons que celles qui ont amené le département de Pierre Maudet à participer à l’élaboration du contre-projet. Tout d’abord, l’initiative risquait bien d’être acceptée en votation populaire au vu de l’inquiétude de la population. Ensuite, à Genève, les associations patronales et le Conseil d’Etat analysent comme nous le résultat de la votation du 9 février, car ils veulent conserver les Bilatérales. Par conséquent, seul le renforcement du contrôle peut répondre à l’inquiétude de la population. C’est un accord tripartite important pour Genève et aussi pour la Suisse. Nous espérons que cela influencera le débat. Alessandro Pelizzari (A.P.) Ailleurs en Suisse et partout en Europe, on parle de fermeture des frontières. A Genève, on opte pour le renforcement des contrôles. Pour nous, c’est la seule réponse possible à la mise en concurrence des travailleurs.
Pensez-vous que cela va inspirer d’autres cantons ?
A.P. C’est déjà le cas. Un congrès a demandé à l’Union syndicale suisse d’étudier un projet d’initiative fédérale allant dans le même sens. Au Tessin, une initiative aux objectifs similaires est pendante devant le Grand Conseil, tout comme à Zurich. A Bâle-Campagne, c’est un projet de loi. Mais il faut souligner qu’il y a à Genève un contexte particulier. Les syndicats y ont compris plus rapidement qu’il fallait utiliser les mesures d’accompagnement pour renforcer les droits des travailleurs. D’autre part, c’est aussi le Canton qui contrôle et sanctionne le plus en Suisse. Il y avait donc un terrain très favorable.
Croyez-vous que le Grand Conseil acceptera le contre- projet sans le modifier, comme vous le demandez ?
M.C. C’est un accord tripartite et il devrait être respecté. Le parlement est bien entendu souverain mais les conditions pour le retrait de notre initiative sont claires.
Pourquoi le projet stipule-t-il que les inspecteurs paritaires ne contrôleront pas les permis de séjour ?
M.C. Cela figurait dans l’initiative. Il était exclu que nous entrions dans un dispositif qui puisse aboutir à une expulsion. Pour nous, la lutte contre le travail au noir se résume à la vérification du paiement des cotisations sociales.
Quels secteurs économiques auraient le plus besoin d’être contrôlés ?
A.P. Nous fonctionnerons comme maintenant en nous basant sur les indices d’abus. Par exemple, nous nous pencherons sur ce qui se passe dans l’hôtellerie et la restauration. E.BY



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