Communauté genevoise d’action syndicale

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à propos de la 5e révision de l’assurance invalidité

Rapport pour le comité USS

vendredi 13 octobre 2006 par Claude REYMOND

Publié avec l’autorisation de son auteure Colette NOVA


Comité de l’USS, annexe 2006.10.13

5e révision de la loi sur l’AI : prochaines échéances et question du référendum

1. Rappel des faits

Les Chambres fédérales ont achevé la 5e révision de la LAI. Étant donné que la procédure d’élimination des divergences est terminée, le vote final pourra avoir lieu pendant la session d’automne, comme le veulent les partis bourgeois. Le Conseil national a séparé de la révision de la loi le projet relatif au financement additionnel, pourtant présenté par le Conseil fédéral en même temps que la 5e révision de l’AI. Le projet de financement est encore à l’examen dans une sous-commission du Conseil national (premier conseil) et il est donc fort probable que la 5e révision soit adoptée sans décision simultanée sur le financement additionnel, c’est-à-dire avant cette décisi-on.
Le ssp demande à l’USS de lancer le référendum si la 5e révision de l’AI adoptée à la fin de la session d’automne diminue les prestations et si elle n’est pas liée à un projet de désendettement durable.

Selon les circonstances, la décision relative au financement additionnel pourrait être renvoyée à une date postérieure aux élections fédérales. Les partis bourgeois justifient la séparation des deux objets en expliquant qu’ils ne veulent pas adopter une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée durant une année électorale. Il n’y a guère encore, ils disaient en outre – et ils le disent encore – qu’ils voulaient attendre le sort réservé par le peuple à l’initiative Cosa. Adoptée par le Parle-ment au titre de contre-projet indirect, mais pas encore publiée et, partant, inexistante pour les citoyen(ne)s, la cession au fonds de l’AVS de la part de la Confédération au produit de la vente de l’or de la Banque nationale doit encore, dans une deuxième étape, être attribuée au compte d’exploitation soit de l’AVS, soit de l’AI.

À la fin 2006, les pertes cumulées atteignaient presque 9 milliards et l’on continue à prévoir un déficit annuel d’environ 1,9 milliard de francs. La 5e révision de l’AVS n’y changera rien. Les me-sures d’économie et les mesures de réinsertion ont une action progressive et, l’un dans l’autre, creusent même le déficit lors des premières années. Avec le financement additionnel proposé par le Conseil fédéral, le compte AI ne sortirait pas des chiffres rouges avant 2025 (= comptes équili-brés et dettes remboursées). Il est donc indispensable de dégager des fonds supplémentaires pour désendetter et assainir l’AI.

Nous ne pouvons toutefois exclure à coup sûr que la majorité bourgeoise ne subordonne son approbation du financement additionnel à l’adoption d’autres mesures diminuant les prestations. Dans cette perspective, un accord rapide sur la nature et l’importance du financement additionnel n’est pas un but digne d’être poursuivi. En revanche, l’endettement croissant fournirait aux partis bourgeois un prétexte bienvenu pour réclamer des diminutions supplémentaires des prestations.

2. Évaluation de la situation

Sur le fond, la 5e révision de l’AI reprend pour l’essentiel le projet du Conseil fédéral. Elle contient d’un côté des mesures améliorant et accélérant la détection et la réadaptation des personnes handicapées, conformément au principe qui veut que « La réadaptation prime la rente », dans le but de réduire le nombre de nouvelles rentes en réintégrant suffisamment tôt ces personnes dans le marché du travail. La 5e révision modifie en outre la notion d’invalidité – en s’alignant néan-moins pour l’essentiel sur la jurisprudence actuelle – et impose davantage d’obligations de colla-borer aux assuré(e)s. De l’autre côté, elle réduit les prestations à plusieurs égards, ce qui se tra-duirait par une économie annuelle d’environ 269 millions de francs (moyenne 2007-2026).

Ces mesures d’économies permettent de financer les frais supplémentaires occasionnés par la détec-tion précoce et par les nouvelles mesures de réinsertion (coûts de 422 millions de francs en moyenne annuelle 2007-2026). Nos propositions d’amélioration ou d’atténuation ont été rejetées. La diminution des prestations n’est pas non plus contrebalancée par l’implication contraignante des employeurs, car les Chambres ont refusé les propositions allant dans ce sens. Nous n’avons ob-tenu gain de cause que sur quelques points (maintien de la contribution de la Confédération à l’AI, prise en charge des mesures médicales).

Toutefois, le Parlement n’est guère allé au-delà du projet du Conseil fédéral pour ce qui est des aspects négatifs de la révision. Hormis la diminution de la limite de réduction en cas de surassu-rance (économie de 8 millions), les Chambres n’ont ainsi pas adopté d’autres diminutions des prestations. Par ailleurs, elles ont rejeté une proposition visant à ramener les rentes versées à l’étranger au pouvoir d’achat local. Compte tenu de la campagne de l’UDC sur les « faux invalides », l’on aurait pourtant pu s’attendre à d’autres coupes sombres.

Pour des raisons tactiques, le PS suisse a refusé la révision en première lecture devant le Conseil national, dans le but de coupler la 5e révision et le financement additionnel. Ce but n’a pas été atteint. Les organisations d’aide aux personnes handicapées sont elles aussi insatisfaites du fond de la révision et de la séparation révision-financement additionnel.

Avantages de la révision

La révision favorise la réadaptation, grâce à la détection précoce et à l’amélioration des mesures de réadaptation :

- L’AI pratique désormais la détection et l’intervention précoces.
- Les mesures de réadaptation sont plus nombreuses et plus efficaces et bénéficieront en parti-culier aux assuré(e)s ayant des déficits de formation. L’accès aux mesures de réadaptation est facilité.
- Pendant la réalisation des (longues) mesures de réadaptation, les indemnités journalières versées sont bien plus substantielles (215 millions), ce qui augmente le revenu des personnes concernées et les rend moins dépendantes de l’aide sociale.

Ces mesures de réinsertion améliorées sont absolument nécessaires et découlent de la réorientation de l’AI qui fait l’unanimité et que nous avons aussi exigée. Occasionnant des frais considéra-bles (422 millions de francs en moyenne annuelle), elles sont indispensables pour atteindre un objectif de la révision qui fait lui aussi l’unanimité, soit la modération du nombre de nouvelles ren-tes et, partant, la baisse des dépenses de rente de l’AI.

Elles constituent de la sorte un investis-sement. Étant donné que l’AI a déjà un déficit considérable et qu’il est impossible de le creuser de 422 millions supplémentaires, ces coûts doivent être financés par des économies, en partie du moins. C’est le but des économies de 269 millions décidées par les Chambres fédérales. Les autres frais seront financés à moyen et long terme par la baisse du coût des rentes grâce à l’amélioration de la réadaptation.

Inconvénients de la révision

La révision a les conséquences suivantes pour les assuré(e)s :
- La suppression des rentes complémentaires en cours diminue le revenu des invalides mariés (108 mio). Il s’agit certes d’un « modèle en voie d’extinction », les rentes complémentaires n’étant plus octroyées depuis la 4e révision de l’AI. Leur maintien était toutefois une promesse délibérée, qui est désormais rompue.
- Le relèvement de 1 à 3 ans de la durée minimum de cotisations rendra plus difficile l’octroi de rentes AI à de très jeunes invalides de l’étranger (1 mio).
- Certaines économies sont réalisées sur les indemnités journalières (30 mio).
- La suppression du supplément de carrière réduit le montant des nouvelles rentes AI pour les jeunes invalides (91 mio).
- Les mesures médicales pour les adultes ne seront plus remboursées par l’AI, mais par l’assurance-maladie (31 mio), avec effet sur les primes de celles-ci et sur les assuré(e)s (par-ticipation aux coûts).
- Les règles de coordination avec le 2e pilier et la LAA sont modifiées pour les rentes complémentaires servies aux enfants et aux conjoints (8 mio).
L’acquis social est donc démantelé, ce qui touche certaines catégories d’assuré(e)s et en particulier les personnes socialement faibles. À l’exception des rentes complémentaires en cours, ces mesures ne concernent que les nouvelles rentes et les nouvelles indemnités journalières. Toute-fois, les diminutions de prestations décrites ci-dessus entraînent aussi dans bien des cas un transfert de charges de l’AI aux prestations complémentaires (PC), à la prévoyance profession-nelle, à l’assurance-accident et à l’aide sociale, car ces assurances sociales complètent jusqu’à un niveau donné les prestations de l’AI et doivent donc débourser davantage lorsque celles-ci diminuent. Ainsi, la suppression du supplément de carrière et des rentes complémentaires consti-tue pour les PC une charge annuelle supplémentaire moyenne de 47 et de 13 millions respectivement. Dans la prévoyance professionnelle, l’on s’attend à des charges supplémentaires moy-ennes de 50 millions par année dues à la suppression des rentes complémentaires. Les consé-quences pour les assuré(e)s seront moindres que les économies pour l’AI dans la mesure de ces transferts.

Il est difficile d’évaluer les effets de la nouvelle définition de la notion d’invalidité : l’on craint qu’il soit plus ardu à l’avenir d’obtenir une rente AI, en particulier pour les handicapé(e)s psychiques. Toutefois, les Chambres ont introduit pendant les délibérations une disposition dont le but est d’éviter ces conséquences indésirables. En partie, la nouvelle définition ne fait que reprendre la jurisprudence actuelle.

Signalons finalement que la révision n’impose pas d’obligations aux employeurs, qui ont en tout cas une (co)responsabilité dans la hausse du nombre de cas d’invalidité. Si l’économie ne réserve pas de place aux personnes que l’AI entend désormais aiguiller vers la réinsertion plutôt que vers la rente, c’est le succès même des mesures de réadaptation introduites par la révision qui est en péril.