Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Carouge, le 6 septembre 2006

uniquement des disques de « techno » ?

lundi 18 septembre 2006 par Claude REYMOND

Nuria Nicolet Aebischer

rue des Noirettes, 17

1227 Carouge

à Messieurs Chevrier, Morisod et Castella

Carouge, le 6 septembre 2006

Monsieur Morisod,

Comment réagiriez-vous si la population genevoise s’apprêtait à voter une loi obligeant les musiciens à produire uniquement des disques de style : « techno » ?!?

Monsieur Chevrier,

De la même façon, quelle serait votre réaction si les citoyens du canton avaient lancé une initiative pour contraindre les restaurateurs à servir uniquement des produits surgelés « findus » à leurs clients ?!?

Enseignante et responsable d’école dans un établissement scolaire du canton (école primaire de Cayla), j’appartiens moi-même à une famille de restaurateurs et de musiciens.

Messieurs, avant de vous impliquer dans cette campagne du 2X OUI « Pour les notes à l’école », avez-vous pris la peine de franchir le seuil d’une école réformée ? Avez-vous personnellement rencontré des enseignants engagés pour mieux connaître leurs pratiques et les dispositifs qu’ils mettent en œuvre pour lutter contre l’échec scolaire ?

Savez-vous que la note « scientifique » n’existe pas ? Plusieurs études menées par des chercheurs en Sciences de l’éducation l’ont déjà prouvé.

Savez-vous que les enjeux du scrutin s’étendent bien au-delà de la question réductrice de l’évaluation dans les écoles genevoises ?

Aujourd’hui chacun croit pouvoir s’exprimer sur l’école. Aurait-on l’idée de légiférer sur les pratiques des médecins de l’Hôpital Cantonal de Genève, sous prétexte qu’il s’agit également d’un service public ?!?
Les enseignants sont des professionnels, formés à la réalité d’aujourd’hui. Monsieur Morisod, sachez que cette réalité a considérablement évolué depuis le temps des carnets poussiéreux que vous brandissez sur les photos du quotidien « Le Matin » !!! Je m’abstiendrai de tout commentaire sur la qualité de ce journal, d’ailleurs…

Je vous invite à venir voir de vos propres yeux, Messieurs, que les élèves de l’école d’aujourd’hui ne sont ni « dorlotés », ni « protégés ». Leurs parents sont satisfaits du travail que nous réalisons avec eux, ils nous témoignent une grande confiance depuis de longues années.

Nul besoin d’avoir une grande expérience (avez-vous des enfants ?!!) pour savoir que les élèves apprennent à des rythmes différents. Il n’est absolument pas possible d’exiger des vingt élèves d’une même classe d’effectuer les mêmes apprentissages au même moment. Dans l’école primaire actuelle, le travail est organisé en cycles d’apprentissages de deux ans, ce qui offre une plus grande souplesse pour tenir compte de la différence des rythmes de chacun. Les élèves en difficulté sont repérés de façon précoce, les enseignants mettent en place des situations d’apprentissage à leur portée leur permettant de progresser en fonction de leurs besoins, tout en gardant à l’esprit les objectifs fixés pour la fin du cycle. Cette organisation différenciée du travail scolaire permet de lutter contre l’échec et le redoublement, elle exige aussi des enseignants davantage d’engagement.

Savez-vous que le redoublement est très coûteux pour notre société ? La mission des enseignants est d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard !

Dans certains cas, lorsqu’un élève n’aurait pas atteint les objectifs du cycle malgré les aménagements proposés, il est actuellement possible d’envisager un prolongement d’une année. L’élève en difficulté effectue une année supplémentaire pour consolider ses apprentissages uniquement dans les domaines qui lui posent problème et poursuivre ses acquisitions dans les disciplines dans lesquelles il est plus à l’aise.

L’école que vous défendez à travers la campagne du 2X OUI se contente de proposer le redoublement pour unique mesure d’accompagnement pédagogique !

L’école d’aujourd’hui a suffisamment de défis à relever sans que vous veniez lui ajouter des obstacles en prêtant votre image à une campagne ravageuse !

L’école d’aujourd’hui ne se contente pas de reléguer les cancres au fond de la classe et les enseignants ont depuis longtemps cessé de taper sur les doigts des élèves perturbateurs ! Il s’agit d’impliquer tous les élèves, même ceux qui présentent des difficultés, pour leur permettre de donner du sens à leur cursus scolaire et leur donner l’envie d’apprendre.

L’école que vous défendez encourage l’exclusion et n’a aucune solution pour les jeunes en marge de la société, en proie à la délinquance précoce.

Le comité de soutien au 2X NON n’a pas eu les moyens de s’offrir des affiches avec Dorothée ou Ronald Mc Donald’s, mais il bénéficie de l’appui des associations de parents, de l’association professionnelle des enseignants, de nombreux enseignants de la formation des maîtres et chercheurs du SRED (Service de la Recherche en Education).

En espérant que cette lettre vous permettra de réfléchir quelques instants aux conséquences de votre implication dans cette campagne, à laquelle comme tant d’autres vous avez cru bon de vous mêler, je vous prie de recevoir, Messieurs, mes salutations.

Nuria Nicolet Aebischer

Copies : M. Gilles Marchand, directeur de la TSR ; M. Piguet, inspecteur de l’enseignement primaire ; SPG (Société Pégagogique Genevoise) ; Gapp (Groupement des associations de parents d’élèves au primaire) ; FSE (Former Sans Exclure)

PS:

Nuria Nicolet Aebischer
rue des Noirettes, 17
1227 Carouge

Monsieur
Gilles Marchand
Directeur
Télévision Suisse Romande
Quai Ernest-Ansermet, 20
Case Postale 234
1211 Genève 8

Carouge, le 6 septembre 2006

Monsieur,

Permettez-moi de réagir à l’édition du journal régional de vendredi 1er septembre dernier, à laquelle des personnalités telles que Messieurs Morisod et Chevrier ont été invitées pour s’exprimer sur la campagne 2X OUI « Pour les notes à l’école primaire ».

Enseignante engagée dans la réforme de l’enseignement primaire, je me demande pourquoi les journalistes n’ont pas pris l’initiative d’inviter des partisans du 2X NON afin d’assurer un minimum d’équité dans l’information.

Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir : tout journaliste qui se respecte se doit d’assurer une certaine objectivité dans les sujets qu’il choisit de traiter. Or, dans la situation qui m’interpelle ici, tout porte à croire que vos collaborateurs avaient un parti pris sur les votations qui tiraillent l’école primaire genevoise et dont les politiques se sont déjà emparés sans se soucier réellement du bien des élèves.

La Télévision Suisse Romande doit relever le défi de la qualité et de l’objectivité dans l’information à une période où certains médias (journaux aux manchettes tapageuses) véhiculent suffisamment d’idées reçues en attisant le sentiment d’insécurité.

En vous remerciant de prendre connaissance de la lettre ci-jointe adressée à Messieurs Chevrier, Morisod et Castella, je vous prie de recevoir, Messieurs, mes salutations distinguées.

Nuria Nicolet Aebischer