Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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un point de vue dépassionné et sans haine sur la nouvelle constituante

vendredi 12 octobre 2012

Lettre ouverte à mes amis de Dialogai de la fédération LGBTIQ

Chers,
à mon tour de vous livrer un point de vue un peu différencié sur la nouvelle constitution, en votation dans quelques jours.

A en juger, et de prime abord, notre communauté aurait tout à y gagner en l’acceptant puisqu’y figure, et en bonne place, la protection de la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Qui est l’aboutissement chez nous d’un long processus de visibilité avec des succès historiques (OMS - Amnesty International - Le Pacs Genevois et puis la Lpart fédérale) obtenus de haute lutte sur plus de 30 années de bagarres aux défaites intermédiaires parfois amères.

Lyoba finalement aussi car qui dans notre communauté pourra jamais oublier le puissant discours d’Hillary Clinton (je l’attendais depuis 40 années !) du 07.12.11 à la Tribune du Palais des Nations ayant pour titre "Les droits gays sont des droits humains" dans lequel elle a lancé un véritable appel-plaidoyer en faveur d’une reconnaissance universelle des droits LGBT.

De là à accepter cette nouvelle constitution les yeux fermés uniquement sur la base de mes petits avantages personnels, est un pas que je ne franchirai pas.
A l’instar d’un nombre croissant de gays et de lesbiennes de cette république semblerait-il.

D’abord parce que mon orientation homosexuelle (du désir et du plaisir) ne constitue, malgré les années et autant d’activisme gay (1), qu’une petite partie de mon identité.

Dieu m’a fait de beaucoup d’autres choses dans le domaine de ma vie sociale, culturelle, politique, philosophique et religieuse sans oublier ma vie de couple.
Et qui ne peut/veut pas, au moment de ce choix crucial, fermer les yeux sur le prix que nous aurions à payer si nous acceptions une charte :

- qui rejette jusqu’au au droit d’éligibilité communal à des étrangers (plus de 40% de notre population) chez nous depuis des lustres et ayant largement contribué
à produire la richesse de notre canton ?
- Qui approuve l’appui de l’armée (les événements de 1932 devraient encore résonner dans toutes les mémoires) à des fins civiles ?
- Qui entérine le principe introduisant une hausse mécanique de fait du nombre de signatures pour les référendums et les initiatives ?
- Qui, à mélanger savamment les droits et les principes, prend des risques quasi programmés d’interprétation à géométries variables des textes lorsqu’il faudra les mettre en pratique.
- Et je ne parle même pas ici de la suppression de la nomination des fonctionnaires (Conseil d’Etat) une question sur laquelle je reste, il est vrai partagé.

Il est un autre élément et non des moindres qui me poussera à refuser cette charte fondamentale dont curieusement personne ne semble se préoccuper : l’organisation des communes et du territoire
genevois dont le statu quo ante démontre à quel degré ce texte n’est aucunement une émanation de notre époque ni porteur d’avenir mais bien rétrograde, broyeur d’utopies en marche depuis des décennies déjà (pensez à la renommée de notre cité du tournant du 19e au 20e siècle et jusque dans les années 80), laissant Genève ainsi livrée à elle-même dans ses couteux, labyrinthiques et paralysants enchevêtrements communaux (40) dignes d’un autre âge, (il n’y a que les communes françaises et Lausanne qui fassent pire) avec les sempiternels et souvent insurmontables conflits de prérogatives communes-état ou/et communes-communes face auxquels la Fédération des Communes Genevoise est le plus souvent impuissante.

Et de faire remarquer à mes ami(e)s, qu’aucune ville-canton suisse (géographie, superficie, démographie et tissus économique) ne se prêterait mieux que la nôtre à ce modèle de fusion d’outre-Rhin du début des années 70 repris depuis dans toute l’Europe du nord. Des communalisations (fusions) qui ont fait des grandes cités allemandes des villes-jardins somptueuses et prospères aux droits démocratiques étendus.

Que cette nouvelle entité induirait chez nous une dynamique sociétale et économique exceptionnelle (cf. Allemagne !) Et nous aurions pu fêter en 2015 le 200ième anniversaire de l’entrée de GE dans la Confédération suisse sur des bases totalement innovantes, dignes des grands visionnaires du 19e siècle qu’étaient James Fazy et ses acolytes radicaux (dans le sens révolutionnaire de ce terme) ayant œuvré de façon unique et contre un conservatisme férocement opiniâtre pour le bien et l’avenir à très long terme de notre canton. Un projet de fusion qui, s’il devait aboutir, serait probablement envié de Bâle à Chiasso et jusqu’à Rorschach- Romanshorn et ferait des émules...

Le texte constitutionnel proposé est sans inspiration. Pire : c’est du rafistolage à la va-vite pour masquer des faiblesses indéniables au souverain dans le sens d’une acceptation. Qui sent ma fois trop le (encore) moins d’Etat : moins d’impôts, de prestations sociales, de droit au logement en particulier, et de services publics pour le citoyen que je suis qui reste encore et toujours en faveur d’un Etat non pas omniprésent, ni omnipotent, mais régulateur plus que jamais incontournable, en période de crise majeure de l’ultralibéralisme, dans le domaine sociale, redistributeur de prestations aux plus démunis de plus en plus nombreux, un Etat qui garde la main sur l’essentiel dans le Service public (enseignement, transports, santé et énergies).

Je ne suivrai donc pas la majorité des constituants et des partis politiques. Pas plus, hélas ! que Dialogai et la Fédération LGBTIQ.

La prochaine élaboration de notre charte fondamentale, si nécessaire, devra impérativement se faire dans une période de non crise financière et économique.
Et puis, dans un premier temps, sans les politiques. Dont les comportements d’un grand nombre m’ont plus d’une fois donné la nausée durant les sessions !
Mais avec des technocrates (hommes de loi) de haut vol, des représentants bien plus nombreux de la diversité associative GE et peut-être un peu plus de rêveurs comme moi...

Bien à vous

Jean-Pierre Sigrist

1212 Lancy/GE

GE, le 04.10.12

(1)
- Co- fondateur de Dialogai dont nous fêtons les 30 Ans.
- Fondateur des enseignant(e)s Gays-Lesb. (OSEEH)
Premier enseignant gay nommé par le DIP (A.Chavanne)