Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Référendum contre la loi sur la fusion CIA-CEH, Réponse à nos collègues du SIT

vendredi 12 octobre 2012 par Blaise ORTEGA

Chères et chers collègues,

Nous vous adressons ce courrier pour vous dire notre stupéfaction à la lecture du tract que vous distribuez actuellement dans toute la fonction publique sous le titre « un référendum suicidaire ».

Ce tract s’en prend frontalement à notre décision de lancer le référendum contre la loi mentionnée en nous dépeignant comme les pires des aventuristes qui menacent de provoquer une catastrophe dont souffriront l’ensemble des salariés et pensionnés des deux caisses concernées.
Nous trouvons assez scandaleuse cette manière de s’attaquer à la position de notre syndicat. Nous sommes, dans cette affaire, dans le prolongement de la grève que nous avons conduite ensemble contre un projet de loi inacceptable, en lutte contre la position du Conseil d’Etat, contre la droite et l’ensemble des partis qui ont voté cette loi ; celle-ci constitue la plus violente attaque contre la fonction publique depuis des années. Nous sommes attaqués et dénigrés par la droite et les medias. Et c’est dans cette situation que vous sortez un tract prônant la résignation, propageant la peur et attaquant frontalement ceux qui tentent de résister !
Nous trouvons la méthode d’autant moins correcte que vous distribuez ce tract dans un lieu comme l’Office de l’Emploi, le jour même où nous organisons dans ce service une action unitaire de nos deux syndicats sur les conditions de travail.
Ceci étant dit, nous tenons à formuler un certain nombre de critiques sur le contenu de votre tract :

1. Vous avez appelé comme nous à une demi-journée de grève contre le projet de loi voté par la majorité de la commission des finances. Vous avez soutenu comme nous les revendications qui figuraient sur le tract unitaire du cartel et du SSP. Or, le Grand Conseil a voté la loi sans le moindre changement. Il a balayé tous les amendements déposés par le PS et s’est « assis » sur nos revendications.
Et maintenant, vous nous dites que la loi préserve des principes essentiels auxquels vous êtes attachés : primauté des prestations, répartition de la cotisation 2/3 – 1/3 ; prise en compte de la pénibilité du travail.
Vous avez ainsi appelé à une grève contre une loi qui sauverait l’essentiel ! Où est la cohérence ?
En cas de votation, voterez-vous OUI à cette loi contre laquelle vous avez appelé à faire grève ?

2. Comme vous le savez, la droite se tient en embuscade pour attaquer par la suite la primauté des prestations, la répartition 2/3 – 1/3, les critères de pénibilité. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport de majorité de Pierre Weiss.
Est-ce en nous résignant sur la loi actuelle que l’on sera en meilleure position pour défendre ces 3 principes ?

3. Il y a quand même pas mal de « points aveugles » dans votre tract :
Vous ne dites rien sur le fait que l’accord signé entre le Cartel intersyndical et le Conseil d’Etat a été bafoué, y compris sur des points qui n’ont aucune incidence financière et constituent de pures clauses vexatoires.
Vous taisez largement les péjorations concrètes des conditions de retraite du personnel de la fonction publique cantonale contenue dans cette loi. On est en pleine schizophrénie quand on peut écrire comme 1ère raison de ne pas soutenir le référendum : « une loi qui dégrade nos conditions de retraite mais qui préserve l’essentiel » !

4. La stratégie qui justifiait la signature d’un accord pour que la droite ne péjore pas davantage le projet de loi s’est avérée un échec. La droite a remis en cause sans état d’âme le contenu de l’accord, elle a placé ses jalons pour la suite des opérations. Et maintenant, vous reconduisez cette même stratégie : « si nous lançons le référendum, la droite va en profiter pour attaquer plus durement encore nos conditions de retraite ».
Dans votre tract, vous partez du principe qu’on ne peut rien faire, que les rapports de force sont contre nous, qu’il ne faut surtout pas bouger sous peine de s’exposer au pire. Toutes ces affirmations reposent sur l’idée qu’aucune mobilisation syndicale n’est possible, que la droite est toute puissante et qu’il faut s’y soumettre.

5. Il est évident que le référendum sera, dans l’immédiat, sans effet sur le droit fédéral et les crises financières. Qui dit le contraire ?
Il faut pourtant dès maintenant « accrocher le grelot » à ces lois fédérales qui nous conduisent dans le mur et nous dépossèdent de tout pouvoir sur notre argent, car il s’agit de nos salaires différés.
Il faut attaquer ce système de capitalisation ruineux qui profite uniquement aux banques et aux assurances et ne cesse de péjorer les retraites, dans le privé comme dans le public. Ce système exige des milliards qui seront utilisés contre nos intérêts de salariés à des fins spéculatives ou pour enrichir les actionnaires. Il nous expose encore plus aux crises financières. Lancer le référendum permettra d’ouvrir le débat sur ces questions.

6. Nous ne partageons pas votre point de vue selon lequel la droite va jouer double jeu et voter le référendum, même si nous estimons que des franges de l’électorat populiste de droite peuvent voter dans ce sens.
Il s’agit clairement d’un référendum de gauche contre une loi anti-sociale et celui-ci va évidemment fixer la droite, tout comme l’ensemble des partis qui ont voté cette loi, MCG et Verts compris, sur la défense de leur loi. La droite a obtenu beaucoup dans cette loi en termes de péjoration des conditions de retraite de la fonction publique, elle a posé ses jalons pour la suite, elle a réussi à diviser les syndicats avec l’appui de Hiler, elle a réussi à minimiser la contribution de l’Etat à la recapitalisation.

7. Nous ne partageons pas votre point de vue selon lequel le référendum va aggraver la situation et conduire au pire. Nous ne croyons pas un seul instant à cette menace de liquider la CIA et d’aligner les rentes sur le minimum LPP.
Une telle solution coûterait infiniment plus cher à l’Etat qui doit garantir les rentes actuelles des pensionnés, sans parler des complications de nature juridiques, actuarielles, administratives, sociales et politiques que cela entraînerait. Et tout cela dans une année électorale ! Nous pensons que le Conseil d’Etat et la droite ne sont pas suicidaires et feront tout pour éviter une situation chaotique qui ternirait durablement l’image du canton.
C’est bien plutôt la loi qui présente des dangers avec ses objectifs financiers à respecter impérativement sous peine de mesures « d’assainissement », en plus du fait qu’elle constitue une violente attaque contre les intérêts du personnel. Nous vous rappelons que nous sommes toujours sous la menace d’une nouvelle baisse du taux technique de la Chambre suisse des actuaires : que deviendraient alors les prestations de la future caisse ? La droite n’en profiterait-elle pas pour attaquer à nouveau les retraites et pousser ses avantages ?

8. Nous restons perplexes lorsque vous évoquez la mobilisation du personnel.
A part les 40 séances de négociations lors desquelles « le SIT a défendu sans relâche et avec détermination » les principes auxquels celui-ci est attaché, nous n’avons pas souvenir que durant les 3 dernières années, c’est-à-dire depuis la crise de 2008, il ait été souvent fait appel à la mobilisation du personnel, à part deux mouvements d’humeur convoqués à la dernière minute et sans lendemain en décembre 2011 et mai 2012. L’espace syndical n’a pas été occupé, de sorte que le processus institutionnel, sous la houlette de David Hiler, a pu se poursuivre sans le moindre accroc avec à la clé une détérioration très forte des conditions de retraite du personnel concerné. Vous avez tout fait pour que la position du SSP soit marginalisée dans ce processus.
Vous dites que « le cartel a pris la décision à l’unanimité de mener la bataille avec d’autres armes que le référendum ». Quelle bataille dès lors qu’on renonce à lutter contre cette loi ?

9. Nous considérons pour notre part que votre position pousse à la division des organisations et syndicats de la fonction publique cantonale, et non celle du SSP. Pour nous, la question de l’unité se pose toujours en relation avec les contenus. Elle se base fondamentalement sur la défense des intérêts du personnel. C’est cela qui constitue le principal critère de l’unité du personnel, donc de l’unité syndicale.
Et la manière dont vous vous positionnez aujourd’hui, en nous attaquant frontalement parce que nous recourons à un droit démocratique et lançons un référendum dans l’intérêt du personnel, ne permet pas de créer les conditions d’une unité nécessaire pour combattre cet automne les choix budgétaires de la droite, bien au contraire !
Nous vous rappelons d’ailleurs que le SSP a fait tout son possible durant l’été pour discuter avec le cartel dans le but d’engager dès la rentrée une action unitaire contre le projet de loi.
De ce point de vue, nous regrettons vivement qu’il n’ait pas été possible de discuter ensemble, cartel et SSP, de la suite des opérations, conformément au mandat que nous a donné l’assemblée du personnel du 10 septembre en votant à l’unanimité la résolution qui se concluait comme suit :
(l’assemblée du personnel) mandate le Cartel intersyndical et le SSP de débattre ensemble sur la suite du mouvement et de s’efforcer dans toute la mesure du possible de définir une position commune, en fonction du contenu du projet voté par le Grand Conseil, du positionnement des différentes forces, et d’une analyse lucide des risques encourus ».

10. Nous vous signalons que le lancement du référendum, bien loin d’affaiblir les organisations du personnel en vue des luttes contre les mesures d’économies sur la fonction publique, tend plutôt à renforcer les organisations syndicales dans cette perspective.
A la Ville de Genève, les premiers effets du référendum se font sentir : l’exécutif hésite à aller jusqu’au bout de ses intentions dans la réforme de la caisse de retraite, en se référant explicitement au référendum.
Même sur la question d’une négociation du règlement de prévoyance de la future caisse, le référendum n’affaiblit nullement les organisations, au contraire, à condition que celles-ci en prennent conscience et ne s’excusent pas devant Hiler du fait qu’il y a un référendum.

11. Il faut encore dissiper tout doute sur un point : Le SSP n’a jamais dit qu’il était pour le statu quo. Nous vous prions de vous référer à nos deux auditions devant la commission des finances. Nous ne sommes pas contre la fusion en tant que telle, mais bien contre les conditions de cette fusion. Si, après la grève que nous avons appelée unitairement, nous avions lancé le référendum en commun, les conditions auraient évidemment été meilleures ; en cas de vote favorable, et de velléité de la droite de durcir encore ses attaques, nous pouvions sans problème occuper l’espace syndical : dans ce cas de figure, ce n’auraient pas été 3000 employé-e-s de la fonction publique qui se seraient mis en grève, mais bien plus, ce qui nous aurait permis tout d’abord de faire barrage à la droite, ensuite de négocier des changements par rapport à cette loi.
Quoi qu’il en soit le référendum est maintenant lancé. Chacun devra se positionner si les 7000 signatures requises sont récoltées. Dans ce cas, nul ne peut prévoir quelle sera l’évolution de la situation car celle-ci n’est pas figée. C’est pourquoi nous vous demandons de laisser ouverts différents scénarios et de ne pas cristalliser dès maintenant votre position.

Dans l’espoir qu’il vous sera possible de prendre en compte nos arguments, nous vous prions d’agréer, chères et chers collègues, nos meilleures salutations.

Pour le Syndicat des Services Publics
Les co-présidents
David Andenmatten et Thierry Daviaud