Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Compte rendu provisoire de la 95e session de la Conférence internationale du Travail

Informations et rapports

sur l’application des conventions et recommandations

jeudi 24 août 2006 par Claude REYMOND

SUISSE (ratification : 1999).

Un représentant gouvernemental a fait observer que les commentaires de la commission d’experts semblent ne pas tenir compte du fait que l’Union patronale suisse, contrairement à l’Union syndicale suisse (USS), estime que la convention est parfaitement appliquée en Suisse.
Il espère que la Commission de la Conférence saura rétablir un équilibre approprié dans ses conclusions.
S’agissant de la protection contre les licenciements antisyndicaux, la commission d’experts mentionne la plainte portée par l’Union syndicale suisse le 14 mai 2003 devant le Comité de la liberté syndicale, le rapport du gouvernement en date du 31 mars 2004, le rapport intérimaire du Comité de la liberté syndicale en date du 17 novembre 2004.
Dans sa réponse, le gouvernement a démontré qu’il n’y avait pas une majorité de cas probants à l’appui de la plainte de l’Union syndicale suisse.
A l’issue de ses discussions du 17 novembre 2004, le Comité de la liberté syndicale n’a pris aucune décision sur le fond, même s’il a estimé qu’il lui semblait que la sanction instituée par le droit suisse n’était pas suffisamment dissuasive pour assurer une protection réellement efficace, dans la pratique, contre les licenciements abusifs pour motif antisyndical.
Le comité a donc proposé à l’adoption du Conseil d’administration des conclusions intérimaires qui invitent le gouvernement suisse à produire un rapport présentant des informations supplémentaires sur le développement de la situation depuis le dépôt de la plainte et sur les mesures prises après discussion avec les partenaires sociaux pour assurer une protection efficace contre les licenciements abusifs pour motif antisyndical.
La délégation suisse au Conseil d’administration a accepté ces conclusions intérimaires du 17 novembre 2004.
Le représentant gouvernemental a déclaré que sa délégation prenait note du fait que la commission d’experts partage les recommandations du Comité de la liberté syndicale bien que l’examen du cas sur le fond ne soit pas terminé.
Le gouvernement devrait adopter prochainement son rapport supplémentaire relatif aux conclusions intérimaires du 17 novembre 2004.
Ce rapport fait référence à la situation exposée dans la plainte de l’Union syndicale suisse du 14 mai 2003.
Dans ces circonstances, l’orateur ne pouvait livrer des informations qui figurent dans un rapport qui n’a pas encore été adopté par son gouvernement.
En conséquence, la Commission de la Conférence devrait s’abstenir de préjuger d’une éventuelle recommandation du Comité de la liberté syndicale attendue pour novembre 2006.
S’agissant de la protection contre les actes d’ingérence, l’Union syndicale suisse exprime des craintes en citant nommément des entreprises, ce qui ne semble pas correspondre à la pratique ayant cours à l’OIT.
La Commission de la Conférence contrôle dans quelle mesure la législation assure la mise en oeuvre de la convention.
En principe, elle n’entre pas en matière sur des dénonciations concernant des entreprises spécifiques.
A cela s’ajoute que le gouvernement n’est pas en mesure d’accéder à tous les éléments qui seraient nécessaires pour pouvoir répondre aux commentaires de la commission d’experts.
S’agissant de la promotion de la négociation collective, l’article 4 prévoit que des mesures appropriées doivent être prises pour encourager et promouvoir la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs.
Cet article contient deux éléments essentiels et complémentaires, à savoir d’une part l’action des pouvoirs publics afin de promouvoir la négociation entre les partenaires sociaux et, d’autre part, le caractère volontaire de la négociation, qui implique l’autonomie des parties.
Les termes de l’article 4 mettent donc en évidence le caractère volontaire de la négociation des conventions collectives de travail (CCT) par les partenaires sociaux.
Il n’exige de l’Etat qui ratifie la convention aucune mesure tendant à contraindre les partenaires sociaux à négocier.
Les Etats qui ont ratifié la convention doivent en revanche offrir des conditionscadres qui permettent aux partenaires sociaux de négocier ensemble les conditions de travail, ainsi que des procédures visant à faciliter cette négociation.
En Suisse, le recours à la négociation volontaire entre associations de travailleurs et d’employeurs en vue de la conclusion d’une CCT est très large et s’appuie sur une longue tradition.
La négociation volontaire est également favorisée par le fait que de nombreuses lois fédérales, telles que le Code des obligations (CO), se contentent de fixer des normes seuil (à savoir les dispositions semi-impératives et dispositives du CO) auxquelles il peut être dérogé par voie de CCT.
La loi sur l’information et la consultation des travailleurs dans les entreprises du 17 décembre 1993 favorise également le recours à la négociation.
Suivant cette loi, les représentants des travailleurs disposent d’un véritable droit de participation dans les domaines suivants : sécurité au travail et protection de la santé ; transfert de l’entreprise ; et licenciements collectifs.
En Suisse, les CCT sont régies par le principe de la liberté contractuelle, dans le plein respect du principe de l’autonomie des parties.
L’Etat n’intervient donc ni dans leurs négociations ni dans leurs conclusions.
Les CCT sont régies par les articles 356 à 358 du CO, qui énoncent les règles en ce qui concerne les parties, la forme, la durée et les effets des CCT.
Celles-ci peuvent être conclues par une organisation de travailleurs, d’une part, et une organisation d’employeurs ou un ou plusieurs employeurs, d’autre part (art. 356 du CO).
La législation suisse ne contient aucune restriction quant à la reconnaissance de syndicats aux fins de la négociation collective.
Le CO précise en outre que les clauses d’une convention qui tendent à contraindre des employeurs ou des travailleurs à s’affilier à une association contractante sont nulles (art. 356 a) du CO).
En Suisse, l’encouragement de la négociation collective trouve son expression dans la mise sur pied d’organismes et de procédures visant à faciliter la négociation.
Le système suisse répond aux exigences de la convention à cet égard.
Comme le précise le paragraphe 247 de l’étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994, le système doit avoir pour but « d’encourager par tous les moyens possibles la négociation collective libre volontaire entre les parties, en leur laissant la plus grande autonomie possible, mais tout en établissant un cadre législatif et un appareil administratif auxquels elles peuvent recourir, sous une forme volontaire et d’un commun accord, pour faciliter la conclusion d’une CCT ».
Les offices de conciliation, aux niveaux cantonal et fédéral, répondent à ces exigences.
Aux termes de l’article 35 de la loi fédérale du 18 juin 1914 sur le travail dans les fabriques, les cantons sont tenus d’instituer des offices publics permanents de conciliation en vue de régler à l’amiable des conflits collectifs entre fabricants et ouvriers visant avant tout la conclusion et le renouvellement d’un régime conventionnel.
Les cantons sont autorisés à étendre la compétence de ces offices.
Ceux-ci peuvent intervenir d’office ou à la requête d’autorités ou d’intéressés.
La procédure est gratuite et subsidiaire à celle que les parties auraient prévue conventionnellement.
A la demande des parties, l’Office peut se transformer en tribunal arbitral.
Au niveau fédéral, l’Office de conciliation est régi par la loi fédérale de 1949 sur l’Office fédéral de conciliation en matière de conflits collectifs du travail.
L’Office fédéral peut être institué au cas par cas par le ministère de l’Économie (DFE), qui n’intervient que sur requête d’une des parties.
La procédure est rapide, orale et gratuite et intervient de manière subsidiaire à celle prévue devant un organisme conventionnel paritaire de conciliation.
Lorsque les parties le demandent, l’Office fédéral de conciliation peut également rendre une sentence arbitrale.
De plus, le rapport du gouvernement daté de 2001 fait état de circonstances dans lesquelles le ministère a directement pris des mesures pour faciliter le renouvellement d’une convention collective, par exemple dans le secteur de la construction.
Compte tenu du fait que la conclusion d’une CCT repose sur le principe de la liberté contractuelle et de l’autonomie des parties, il semble dès lors difficile de concevoir une intervention étatique visant à contraindre les parties à la négociation lorsque celles-ci ne veulent pas négocier.
Le respect de la convention est donc assuré en Suisse.
Enfin, la commission d’experts demande des informations statistiques sur le nombre de CCT et le nombre de travailleurs couverts.
En mai 2003, date des dernières statistiques consolidées, les données faisaient état de la situation suivante : – il y a en Suisse quelque 3,9 millions de personnes actives, dont 3,3 millions de salariés et apprentis ; – 594 CCT étaient en vigueur, couvrant 1414000 salariés, dont 36,3 pour cent de femmes ; – 449 CCT contenaient des dispositions sur les salaires minimaux, couvrant 1 169 600 salariés, dont 39,9 pour cent de femmes ; – 36 CCT étaient étendues, couvrant 360800 salariés, dont 41,2 pour cent de femmes.
Une ventilation par taille des entreprises et par secteur d’activité économique est disponible sur le site Internet de l’Office fédéral de la statistique.

Les membres travailleurs ont rappelé les défaillances relevées par la commission d’experts dans l’application de la convention par la Suisse en soulignant tout d’abord la protection inadéquate contre les licenciements antisyndicaux.
Le Comité de la liberté syndicale a, à cet égard, demandé au gouvernement de réexaminer cette question afin de garantir une protection réellement efficace.
S’agissant des actes d’ingérence, le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur le fait que plusieurs employeurs tentent d’écarter les syndicats soit en créant leurs propres associations, soit en s’adressant à des commissions du personnel.
Enfin, en ce qui concerne la promotion de la négociation collective, il apparaît que les autorités publiques ne prennent aucune mesure afin de remédier à l’érosion de la négociation collective alors que les conventions collectives ne couvrent qu’un tiers des emplois.
Les membres travailleurs ont considéré que ce cas est très important car il témoigne de la tendance à l’érosion des négociations collectives libres et volontaires.
Lentement mais sûrement, la Suisse se détourne de la négociation collective lui préférant la négociation directe avec le personnel.

Les membres employeurs ont estimé que l’on ne pouvait avoir qu’une discussion préliminaire sur ce cas, car il n’y a dans l’observation de la commission d’experts que des allégations.
Aucun fait n’est établi, et ni le point de vue du gouvernement ni celui des employeurs suisses n’y figurent.
Il n’est pas approprié de discuter de ce cas à ce stade de la procédure, d’autant plus que le gouvernement n’a pas eu l’occasion de répondre et qu’il doit soumettre très prochainement un rapport.
S’agissant des articles 1 et 3 de la convention et en ce qui concerne les licenciements pour motifs antisyndicaux, les membres employeurs ont contesté le fait que la commission d’experts applique à la convention les principes d’un cas du Comité de la liberté syndicale, dans une situation comme celle-ci, qui a une portée plus restreinte.
En ce qui concerne l’article 2, les membres employeurs ont déclaré ne pas comprendre pourquoi la commission d’experts se réfère nommément à des entreprises citées dans les allégations, dans la mesure où cela n’est pas constructif.
Enfin, l’affirmation sur la négociation collective volontaire est si générale qu’elle n’appelle aucun commentaire concret.
Pour terminer, les membres employeurs ont réaffirmé que ce cas avait été inscrit prématurément sur la liste.

Le membre travailleur de la Suisse a souligné que la Suisse bénéficie de la paix sociale que les syndicats et les associations patronales ont assurée depuis plus de soixante ans, même si le pays enregistre depuis quelques années une hausse importante de la pauvreté.
Si le dialogue social tripartite fonctionne, le dialogue social bipartite connaît un déclin inquiétant dû aux mutations qui touchent les entreprises et le marché du travail.
En 1990, la couverture des conventions collectives du travail en vigueur en Suisse s’étendait à 50 pour cent des emplois ; en 2003, elle n’atteignait plus que 36,7 pour cent.
La situation a donc radicalement changé comparativement à celle qui prévalait lorsque le gouvernement proposait, dans son message du 24 novembre 1982 au Parlement, la ratification de la convention no 154 concernant la promotion de la négociation collective.
Depuis plusieurs années, l’Union syndicale suisse (USS-SBB) attire l’attention du gouvernement sur les dangers que l’érosion des relations professionnelles fait courir au pays.
A plusieurs reprises, elle a lancé un appel pour que le gouvernement s’engage, conformément à l’article 4 de la convention no 98, à prendre des mesures pour « revitaliser » le dialogue social bipartite.
L’Union syndicale suisse a également souligné en 2004 que « la pratique en vigueur [...] et la législation actuelle ne répondent plus aux exigences de la convention no 154 et de la recommandation no 163.
Preuve en est la réduction de l’impact des conventions collectives du travail qui ne couvrent plus que 37 pour cent des emplois en Suisse. » Force est de constater que, malgré tous les efforts que l’Union syndicale suisse a déployés pour attirer l’attention du gouvernement sur l’anémie qui frappe les relations professionnelles en Suisse, rien n’a été entrepris pour entamer un dialogue tripartite à ce sujet.
Dans ses rapports soumis sur l’application de la convention no 98, le gouvernement se contente, à propos des observations faites par la commission d’experts dès 2002, de renvoyer les instances de l’OIT à ses commentaires du 1er avril 2004 en réponse à la plainte déposée par l’Union syndicale suisse auprès du Comite de la liberté syndicale à propos des licenciements antisyndicaux (cas no 2265).
Cela n’est pas conforme à l’article 22 de la Constitution de l’OIT.
Le gouvernement suisse reste de marbre, comme sourd aux appels d’un nombre toujours croissant de travailleurs qui, privés de convention collective, subissent l’injustice que le Préambule de la Constitution de l’OIT veut combattre.
Le déclin de l’impact des négociations collectives touche à la fois les organisations syndicales et patronales.
L’orateur a déploré que l’Union patronale suisse soit insensible à cette évolution dangereuse pour la stabilité et la cohésion sociales.
Elle soutiendra, en juillet 2003, l’immobilisme du gouvernement, au prétexte de son attachement au principe de la liberté contractuelle, et en particulier au caractère volontaire de la négociation qui implique l’autonomie des parties.
Pourtant, d’après l’Union syndicale suisse, la liberté de négocier n’implique pas la liberté de ne pas négocier de bonne foi ! Non seulement il ne convient pas que la loi limite indûment l’autonomie des parties, mais il incombe de favoriser le dialogue social.
L’affaiblissement des relations professionnelles en Suisse provient de la mise à l’écart des syndicats par certains employeurs qui préfèrent négocier directement avec les représentants de leur personnel, ceci en violation non seulement de la loi sur le travail, mais aussi en contradiction avec les instruments de l’OIT qui n’autorisent la négociation collective avec les représentants des travailleurs intéressés qu’en l’absence d’organisations syndicales.
La commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale ont rendu moult observations et décisions à ce propos.
Le gouvernement suisse a reçu des informations sur un certain nombre d’entreprises concernées par ce phénomène.
L’Union des syndicats suisses attend qu’il prenne des dispositions pour éviter la prolifération des mesures antisyndicales, notamment par le biais de la ratification de la convention no 135.
La troisième observation de la commission d’experts concerne la protection contre les licenciements antisyndicaux qui, depuis 2003, fait l’objet d’une procédure devant le Comité de la liberté syndicale.
Conformément à la recommandation approuvée par le Conseil d’administration du BIT, une discussion tripartite a eu lieu.
Elle a permis d’examiner la situation actuelle, en droit et en pratique, afin que des mesures soient prises pour qu’une protection soit réellement effective dans la pratique.
L’Union syndicale suisse a suggéré l’adoption d’un mécanisme d’annonce préalable des licenciements, conformément à la recommandation no 143 qui propose une définition précise et détaillée des motifs de la rupture de la relation de travail et plusieurs degrés de consultation ; une procédure de recours ; la réintégration en cas de licenciement injustifié avec versement des salaires impayés ; et le maintien des droits acquis.
Alors que Travail.Suisse, la deuxième organisation syndicale faîtière du pays, a soutenu cette proposition, les représentants des employeurs se sont opposés à toute modification législative.
Les syndicats suisses ne demandent pas à l’Etat de faire leur travail.
Ils désirent simplement qu’il crée les conditions qui leur permettent de jouer pleinement leur rôle en s’inspirant des dispositions de droit international du travail auxquelles la Suisse a adhéré.

Le membre employeur de la Suisse s’est étonné du fait que ce cas soit discuté alors que le gouvernement a jusqu’au 1er septembre 2006 pour répondre aux observations de la commission d’experts.
La Suisse a pour pratique de ne ratifier une convention que si son droit interne satisfait déjà à ses exigences.
L’Union patronale suisse estime que les dispositions de la convention sont parfaitement appliquées en Suisse.
S’agissant des allégations de l’Union syndicale suisse (USSSBG) sur l’inadéquation de la protection contre les licenciements antisyndicaux, l’Union patronale suisse approuve totalement la réponse du gouvernement adressée au Comité de la liberté syndicale, réponse dans laquelle le gouvernement suisse rejette à juste titre les arguments de l’Union syndicale suisse et demande à l’OIT de ne pas donner suite à la plainte mentionnée.
Par ailleurs, il n’est pas opportun de rentrer en matière puisque ce cas est en instance devant le Comité de la liberté syndicale.
En ce qui concerne la protection contre les actes d’ingérence et la référence à certaines entreprises, comme l’ont affirmé les membres employeurs en 2003, il est inacceptable de faire peser sur les entreprises les obligations internationales qui incombent aux Etats.
Par conséquent, une discussion sur des cas d’entreprises n’entre pas dans le cadre des travaux de cette commission.
Enfin, s’agissant de la négociation collective, celle-ci est l’affaire des partenaires sociaux qui, en Suisse, disposent, en plus d’un cadre législatif qui leur permet d’y recourir librement, d’organismes et de procédures pouvant, si nécessaire, faciliter cette négociation.
L’orateur a considéré par conséquent qu’aucune initiative particulière des pouvoirs publics n’était nécessaire en la matière.
Les employeurs et les travailleurs sont parfaitement libres de négocier volontairement et sur ce point aussi la Suisse respecte pleinement les exigences de la convention.

Le membre travailleur de la France a indiqué que les infractions au respect de cette convention résultent souvent d’une interprétation erronée de ses dispositions.
Ainsi les garanties qui découlent de la négociation collective sont détournées par les incitations à la négociation au niveau le plus local – niveau où les travailleurs sont plus sensibles aux pressions et peuvent craindre de se syndiquer.
De même, le caractère volontaire des négociations collectives est détourné pour justifier l’immobilisme.
Dans le contexte du développement du chômage et de la précarité, il apparaît que la condition de « nécessité » prévue à l’article 4 de la convention est remplie pour que les gouvernements agissent.
L’action du gouvernement ne signifie pas ingérence car il convient de préserver le caractère volontaire de la négociation, ce qui requiert par ailleurs des mesures effectives de protection de chaque partie, et notamment de protection contre les licenciements antisyndicaux.
Le cas de la Suisse est important car il pourrait, si le gouvernement donne suite aux demandes légitimes des syndicats, avoir valeur d’exemple.

Le membre travailleur de la Roumanie a observé que la Suisse connaît une érosion de la couverture de ses conventions collectives, érosion qui la place au niveau des nouveaux Etats membres de l’Union européenne.
Beaucoup d’Etats Membres de l’OIT font preuve d’une totale passivité dans la promotion de la négociation collective.
Bien que les vertus du dialogue social soient vantées partout, les syndicats se heurtent au refus de dialoguer des employeurs.
A quoi bon jouir du droit de constituer des organisations syndicales si ces dernières sont ignorées, voire réprimées par ceuxlà même qui devraient être leurs partenaires, et ceci sous prétexte que les employeurs sont libres de négocier ou de ne pas négocier ? Il n’est pas concevable que la convention consacre le droit de ne pas négocier puisque le droit de négociation collective est l’un des principes fondamentaux au travail consacrés par l’OIT.
Le refus de négocier constitue un déni de justice qui empêche les syndicats de remplir leur rôle de défense des intérêts de leurs membres et conduit à l’individualisation des relations de travail.
Dans ce contexte, le comportement d’un pays comme la Suisse revêt une importance primordiale, et c’est la raison pour laquelle ce pays doit mettre sa législation et sa pratique des négociations collectives en conformité avec la convention.

Le membre travailleur du Pakistan a déclaré que la Suisse est un hôte très attentionné de la Conférence internationale du Travail et un modèle d’Etat démocratique et de justice sociale.
Le gouvernement a expliqué que les travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales peuvent être réintégrés en application de la loi sur l’égalité, et que les tribunaux peuvent octroyer une indemnisation de six mois de salaire à titre de réparation.
L’Union syndicale suisse a toutefois donné des exemples de décisions de justice qui, tout en reconnaissant que certains licenciements ont eu lieu du fait des activités syndicales des intéressés, n’ont accordé que trois mois de salaire à titre de réparation.
Le Comité de la liberté syndicale a souligné la nécessité d’une protection adéquate contre des licenciements injustifiés dus à une activité syndicale, et en particulier la possibilité de réintégrer le travailleur.
Ce principe est amplement établi dans les cas examinés par le Comité de la liberté syndicale et dans son Recueil de décisions.
L’orateur a invité le gouvernement à respecter les principes de la non-ingérence dans les activités syndicales, notamment en ce qui concerne la pratique consistant à favoriser la création d’associations du personnel pour faire concurrence aux syndicats déjà en place.
Le gouvernement doit également être encouragé à promouvoir une culture de confiance mutuelle et de respect dans les négociations collectives.
L’orateur a exprimé l’espoir que le gouvernement suisse prenne des mesures pour mettre ses lois et sa pratique en conformité avec ces principes.

Le représentant gouvernemental a conclu en soulignant que plusieurs orateurs, en particulier les membres travailleurs, avaient basé leurs interventions sur les communications auxquelles la commission d’experts s’était référée dans son observation.
Or il convient d’être attentif au fait que, sur ces trois communications, la première se réfère à la convention no 87 et non à la convention no 98, la deuxième concerne des allégations sur la convention no 98 qui sont actuellement traitées par le Comité de la liberté syndicale ainsi que sur la convention no 135 qui n’a pas été ratifiée par la Suisse, et la troisième se réfère à la convention no 144.
En ce qui concerne le cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale, il est prématuré de préjuger de quelque chose tant que le cas n’est pas clos.
S’agissant des remarques faites au sujet du problème de la représentativité des organisations de travailleurs, il n’appartient pas au gouvernement de régler ce problème.
Par ailleurs, il existe des mécanismes permettant aux travailleurs et à leurs associations de faire valoir leurs droits et de présenter des demandes visant à assurer leur représentativité.
Si déni de droit il y a, il y a abus de droit et donc voie de recours possible.
Enfin, en ce qui concerne le respect de l’article 4 de la convention, il convient de noter que le message fédéral qui a été soumis au Parlement en vue de la ratification de la convention avait reçu l’aval du BIT.
L’orateur a déclaré ne pas voir quelles conclusions pourraient être tirées sur ce point à moins que la Conférence conclue que l’avis donné par le Bureau n’est plus valable.

Les membres travailleurs ont conclu en soulignant à nouveau que ce cas témoignait d’une tendance existant dans plusieurs pays où, de manière ouverte ou déguisée, la négociation collective libre est découragée.
Les commentaires de l’Union syndicale suisse datent déjà de 2002 et le Comité de la liberté syndicale s’était prononcé à leur égard en 2003, Néanmoins, le gouvernement préfère disserter sur les autres conventions plutôt que sur les commentaires de la commission d’experts qui contiennent des éléments de fond sur l’application de la convention no 98.
Les conclusions devront, d’une part, délivrer un message clair sur l’importance de la négociation collective qui est au coeur des relations professionnelles et, d’autre part, demander au gouvernement de prendre des mesures pour revitaliser le dialogue social et pour répondre aux observations de la commission d’experts en ce qui concerne la protection effective contre les licenciements antisyndicaux et contre les actes d’ingérence.
Le gouvernement devra en outre fournir un rapport à la commission d’experts sur les suites qui auront été données aux demandes de cette commission.

Les membres employeurs ont réaffirmé que l’on ne pouvait pas tirer de conclusions pratiques à ce stade de la procédure, puisque le cas ne se réfère qu’à des assertions sans qu’aucun fait ne soit établi.
Le plus important est que le gouvernement se soit engagé à fournir un rapporté détaillé sur cette question.
Dans ses conclusions, la commission devrait se limiter à rappeler les principes de la convention no 98 et à noter la réponse du gouvernement.

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a relevé que les questions en suspens ont trait à des commentaires formulés par l’Union syndicale suisse (USS-SBG), selon lesquels : certaines décisions judiciaires témoignent du caractère inadéquat de la protection existant contre les licenciements antisyndicaux ; des associations du personnel sont créées et partiellement financées par les employeurs, les syndicats étant remplacés par des commissions du personnel ; et les pouvoirs publics ne prennent pas d’initiatives pour encourager les procédures de négociations collectives volontaires permettant que les employeurs écartent les organisations syndicales en préférant traiter avec les représentants du personnel.

La commission a noté avec regret que le gouvernement n’a pas encore adressé ses observations à la commission d’experts sur les deux derniers points, en dépit du laps de temps important qui s’est écoulé depuis la réception des derniers commentaires, en 2004.

La commission a pris note de la déclaration du gouvernement, aux termes de laquelle : le Comité de la liberté syndicale a examiné une plainte concernant des allégations relatives à une protection insuffisante contre la discrimination antisyndicale, plainte qui a fait l’objet d’un rapport intermédiaire et à propos de laquelle aucune décision n’a été prise au fond ; le gouvernement prépare actuellement sa réponse au Comité de la liberté syndicale, en vue de sa session de novembre prochain ; une protection adéquate existe déjà, y compris la saisine des tribunaux, contre les ingérences antisyndicales et ce n’est pas au gouvernement d’intervenir dans les questions relatives au caractère représentatif des organisations d’employeurs et de travailleurs ; en Suisse, des mécanismes et procédures existent pour faciliter la négociation collective, mais il est primordial de respecter la nature volontaire de cette dernière, ainsi que l’autonomie des parties à la négociation.

La commission a également pris note des statistiques communiquées par le gouvernement en ce qui concerne le nombre et la couverture des conventions collectives.

Rappelant qu’il est important d’assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale et les actes d’ingérence, ainsi que la promotion effective de la négociation collective, comme le prévoit la convention, la commission a noté l’engagement pris par le gouvernement de soumettre un rapport en vue de son examen par la commission d’experts cette année et a prié le gouvernement de répondre intégralement aux commentaires formulés par l’Union syndicale suisse au sujet de l’application de la convention dans la pratique.

Notant que des discussions tripartites ont déjà eu lieu en ce qui concerne plus particulièrement les mesures de protection contre la discrimination antisyndicale, la commission a invité le gouvernement à poursuivre un véritable dialogue avec les partenaires sociaux sur ces questions et à informer la commission d’experts de tout nouveau développement en la matière.

Le représentant gouvernemental a pris note des conclusions formulées par la commission et a déclaré vouloir faire une observation quant à la référence faite dans les conclusions aux discussions tripartites.

Lors de la ratification de la convention no 144, il avait été spécifié, au moyen d’un message accompagnant l’instrument de ratification, que les procédures de consultations prévues par cette convention ne sauraient se substituer à la structure de dialogue social et de négociation collective directe entre partenaires sociaux en vigueur en Suisse.

Ces discussions tripartites ne sauraient non plus se substituer aux règles et mécanismes parlementaires et constitutionnels relatifs notamment à la mise en oeuvre des principes de la démocratie directe dans le pays.
En vertu de ces principes, et bien que le dialogue social soit important, tant les travailleurs, les employeurs que leurs associations respectives disposent de mécanismes démocratiques et parlementaires pour faire valoir leurs revendications, soit par la voie parlementaire (interventions), soit directement devant le peuple souverain (par exemple initiatives populaires).