Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Le Courrier du 2 juin 2006

Un nouveau durcissement du conflit n’est plus à exclure

mardi 6 juin 2006 par Claude REYMOND

« LA BOILLAT » • Alors que certains licenciés du groupe Swissmetal à Reconvilier retrouvent du travail ailleurs, les employés
qui restent sont maintenus dans l’incertitude et accusent la direction de double jeu.

LUC-OLIVIER ERARD

Même à Reconvilier le printemps arrive,
avec quelques signes qui ne trompent
pas, malgré la pluie. Les espaces
verts commencent à fleurir. Sur un
carrefour, on refait une route malmenée
par les neiges d’un hiver rigoureux.
Un peu en retrait, un homme est
particulièrement attentif au déroulement
des opérations : le patron d’une
entreprise locale de travaux publics,
qui n’est autre que Flavio Torti, maire
du village qui sort d’un des hivers les
plus difficiles de son existence.
« Ils ne méritaient pas ce qui leur arrive
 », dit l’entrepreneur à l’égard des
ouvriers de « la Boillat », cette usine qui
étend ses ateliers de part et d’autre du
village et dont les ouvriers sont toujours
en guerre contre leur direction. Le
village n’a pas autant souffert du drame
qui se joue dans l’usine de Swissmetal
que certains le craignaient : certains des
112 licenciés virés pendant la grève ont
retrouvé du travail. « Il n’y a pas eu un
afflux de chômeurs, explique Flavio
Torti, car l’économie locale est en plein
boum. Les journaux sont remplis
d’offre d’emplois, on n’arrête pas de recevoir
des demandes pour agrandir des
usines. Et les ouvriers formés chez
Boillat ont très bonne réputation ». De
fait, la région connaît la croissance la
plus importante du canton de Berne,
notamment en raison de la bonne
santé du secteur horloger.

Cependant, dans l’usine, rien n’est réglé.
Après plus de quatre mois de
conflit, les solidarités se délitent, les
familles sont en crise, l’avenir est toujours
incertain, la médiation entreprise
est au point mort, et les vacances
horlogères qui s’approchent n’annoncent
rien de bon. L’usine doit fermer à
cette occasion, et les ouvriers craignent
que si rien ne change d’ici là, les
machines ne soient embarquées vers
les deux autres sites du groupe.

De fait, le double jeu de Swissmetal
semble permanent : dans une feuille
hebdomadaire destinée à remonter le
moral des troupes, la direction annonce
que des clients sont intéressés à acquérir
le MP6, un nouvel alliage à très
haute valeur ajoutée. Deux jours plus
tôt pourtant, une note interne de l’entreprise
excluait la possibilité de livrer
ce produit. Son développement n’est
pas terminé, puisque les personnes
qui en avaient la charge ont été licenciées.
Par ailleurs, un document de 23
pages liste les produits destinés à terme
à êtres produits dans les autres
usines du groupe. Du coup, une reprise
de la grève n’est plus exclue. Même
si tous ne sont pas prêts à repartir au
combat, Nicolas Wuillemin, président
des commissions de l’entreprise, explique
qu’il reste du fonds de solidarité
de quoi payer les salaires pendant
une semaine. Et que la question sera
évoquée dans les prochaines assemblées
du personnel.

Pour lui, « laisser croire que le conflit
est en train de se régler arrange bien la
direction, mais il s’agit d’une illusion.
L’avenir de l’usine est encore plus hypothéqué
qu’on aurait pu l’imaginer il
y a encore quelques mois ». Depuis
mardi soir, une vingtaine de licenciés
ont quitté l’entreprise. D’autres suivront,
alors que des réengagements
ont eu lieu. Dans les ateliers, hier, l’activité
était manifestement inférieure à
ce qu’elle était avant la grève. La fonderie
est arrêtée, les stocks sont pratiquement
vides, et surtout, on peut traverser
l’usine de part en part sans rencontrer
aucun membres de l’encadrement.

Pour que le mouvement de solidarité
ne s’évanouisse pas avec le pourrissement
du conflit, une manifestation a
été organisée. Elle se tiendra les 10 et
11 juin prochain à Reconvilier. Pour
Frédéric Charpié, président du comité
d’organisation, il s’agit de maintenir
l’attention autour du conflit, mais se
veut aussi une manière, pour « les
Boillat », de remercier la population
pour le mouvement de solidarité sans
précédent qui est né de la grève.
Enfin, la pétition aux autorités bernoises
n’a pas été remise hier comme
prévu, et la récolte de signatures
continue et elle dépasse aujourd’hui
les 12000 paraphes. I