Communauté genevoise d’action syndicale

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Chronique d’une guerre annoncée le 18-11-2009 à 18h30

mardi 17 novembre 2009 par Claude REYMOND

"Chronique d’une guerre annoncée", c’est le titre du nouveau film de Grégory Lassalle qui sera présenté en première le 18 novembre à 18h30 et le 19 novembre, à 18h15 à l’ALHAMBRA dans le cadre du Festival "Filmar en America latina"

Ce documentaire enquête sur la prise de contrôle des ressources naturelles du Guatemala et les résistances des communautés locales.

Treize ans après les " Accords de paix" entre le gouvernement et l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque, les engagements pris par les divers gouvernements n’ont pas été respectés. Tout particulièrement ceux qui favorisaient les droits des peuples indigènes à la terre et à la reconnaissance de leurs cultures.

La violence des "propriétaires terriens", qui ont mis le pays en coupe réglée durant la guerre civile, s’exerce à travers les forces d’un Etat largement infiltré et très corrompu.

Les ONG guatémaltèques et leurs relais dans le monde, ainsi que la communauté internationale n’en finissent pas de dénoncer les exactions contre les populations et les défenseurs des droits humains.

En dépit de ce tableau très sombre, le nouveau film de Grégory Lassalle, (auteur de "Km 207, au bord de la route"), témoigne de la résistance des populations indigènes contre l’exploitation minière transnationale et donne la parole aux protagonistes de cette histoire en marche.

Deux délégués des communautés concernées seront à Genève avec le cinéaste pour débattre avec le public !

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Cas Holcim au Guatemala

Un projet de production industrielle de ciment et d’ exploitation de minerai voit le jour en 2005 dans une concession de 72 km carrés, dans le département de San Juan Sacatepeque, à une heure de la capitale.

C’est là que vivent des communautés d’ Indiens Katchikels. Une région qui a bénéficié de la réforme agraire de 1954, et qui est restée préservée des prédations de terres durant la guerre civile, soit jusqu’en 1996. La concession a été octroyée il y a 4 ans par le Ministère de l’énergie et des mines du Guatemala, sans consultation et sans écho médiatique. En douce... Le Guatemala est alors sous le gouvernement d’Oscar Berger, qui privilégie les intérêts des latifundiaires et des entrepreneurs de toutes sortes. La corruption est endémique et atteint les sommets de l’Etat. Les défenseurs des droits humains, les communautés indigènes qui tentent de défendre leurs droits en paient le prix fort : on compte en moyenne 5.000 homicides par an et l’impunité accordée aux auteurs des actes de violences est totale.

4 ans plus tard, dans le même département, la tension est toujours très forte malgré les promesses du nouveau gouvernement d’Alvaro Colom d’entendre les arguments des 40 communautés indigènes touchées par les impacts néfastes du projet de cimenterie. En premier lieu les études d’impact sur l’environnement mettent en question l’utilisation de l’eau. Les populations en prennent connaissance tardivement contrairement aux promesses contenues dans les Accords de Paix de 1996 sur le rôle des communautés indigènes, à la Loi guatémlatèque sur la décentralisation, et à la Convention 169 de l’OIT.

Sur le terrain, 12.000 personnes s’ opposent alors au projet, d’autant que la culture de fleurs fait vivre les communautés de la région de San Juan, et se trouverait mise en péril. Des avocats mayas, proches de la Fondation Winaq, de la Prix Nobel Rigoberta Menchu sont alertés par les populations, et travaillent à l’organisation de « consultations communautaires », ce que le maire de San Juan accepte . Le conflit d’intérêt touche alors la mairie, ses membres subissent intimidations et pressions. Toutefois le référendum, (qui se vote à mains levées !) est maintenu par la municipalité. Treize communautés y participent. Résultat : 99.800 voix contre l’exploitation minière, 4 voix pour.

Tout cela s’est fait – rappelons-le, au nom de la Loi de décentralisation, du Code municipal de 1996, et de la Convention 169 de l’OIT.

La consultation des populations est considérée comme valide mais non contraignante et il n’y a toujours pas de volonté politique au sein du gouvernement pour accorder satisfaction à ce mouvement des communautés pour préserver leurs ressources économiques et environnementales. Au contraire, depuis 2007 les violences ont fait irruption dans la région. Les paysans parlent d’escadrons de la mort, formés d’anciens militaires qui les menacent et sèment la terreur alors que les « officiels » dénoncent la conflictivité comme une conséquence de menaces des indigènes. Un travailleur de l’entreprise, Francisco Tepeuh, est brûlé vif. Des paysans travaillant à la reforestation sont séquestrés quelques heures, leur camion brûlé. Face aux troubles le président Colom décrète l’état de « prévention » pendant 15 jours : 2.000 soldats et 1.000 policiers entrent dans la zone où il est interdit de porter des armes et de manifester. L’occasion aussi de faire rentrer sur le site des machines de chantier que les populations empêchaient de passer !

L’entreprise qui doit exécuter le projet « Cimentos Progressos » est bien représentée dans les institutions guatémlatèques, tant au niveau gouvernemental que dans l’appareil de justice et dans les médias.

Le projet « vaut » 350 millions de dollars, et il pourrait doubler de volume avec 25 % investis par la multinationale suisse Holcim, et 50 % d’investissements allemands (Citigroup). L’état de « prévention » , soit la militarisation de la région, a causé la mort de 21 personnes, 73 leaders communautaires ont été arrêtés, mis en prison , puis relâchés. Excepté l’un d’entre eux, toujours en prison.

Les autorités ont donc passé à la persécution du mouvement communautaire. Les avocats mayas, dont Amilcar Pop, qui a fait l’objet d’une Action urgente d’Amnesty International, sont menacés de mort par des hommes cagoulés. La presse guatémaltèque tente de les décrédibiliser. Et , dans cette société terriblement machiste, les menaces de mort contre les femmes indigènes redoublent, notamment dans les bus qu’elles empruntent...

Les représentants des Nations-Unies au Guatemala tentent de faire dialoguer les communautés, leurs avocats avec l’entreprise « Cimentos progressos » et ses investisseurs, avec Holcim notamment. En vain jusque-là. Dix ans après les Accords de paix, des groupes de tueurs sèment la terreur pour rendre inaudible les voix des populations mayas. Ils comptent sur la longue histoire de l’impunité, et l’inconsistance
de l’Etat guatémaltèque.

Chantal Woodtli