Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Ce n’est pas au Sud et à l’immigration de payer la crise !

lundi 25 mai 2009 par Claude REYMOND
Chers-es collègues, chers-es camarades
 
Il n’est pas indifférent que le discours que je fais devant vous au nom de la Communauté genevoise syndicale, je le tienne devant les hôpitaux universitaires de ce canton, lieu doublement emblématique pour cette manifestation. D’abord parce qu’il s’agit d’un service public et que durant les dernières décennies, l’ensemble des services publics au Nord comme au Sud ont été la cible des politiques néo-libérales. La privatisation des services publics a ainsi conduit à la disparition des services de santé, de formation, voire de sécurité, publics dans de nombreux pays du Sud. Les mêmes pays, dans le cadre de la division du travail mondiale, ont été sacrifiés sur l’autel de la croissance délirante des économies du Nord durant ces décennies. A Genève, nous avons réussi à ce que la santé, comme d’autres services publics, reste aux mains de la collectivité et ne soit pas privatisée.
 
 
Les HUG sont également symboliques pour le mouvement syndical genevois car non seulement, comme l’essentiel des bâtiments publics ou privés de ce canton et de ce pays, ils ont été construits principalement par des collègues immigrés-es, mais de plus, c’est le premier service public genevois à avoir aboli l’obligation d’être suisse-sse et fonctionnaire pour pouvoir y travailler. Beaucoup de nos collègues hospitaliers-ères dans les soins, le nettoyage, l’administration ou la logistique des HUG sont espagnols, portugais, albanais, canadiens, vietnamiens…..L’hôpital, comme beaucoup de secteurs économiques de ce pays, ne tournerait pas sans elles et sans eux. Pourtant quand la crise touche la Suisse, quelle solution envisage ses autorités ? Fermer ses frontières, expulser celles et ceux d’entre nous qui n’ont pas de permis.
 
S’il a été dit que ce sont les plus précaires, et particulièrement les femmes qui sont les premières victimes de la crise, c’est le Sud tout entier qui est le premier atteint. La folle croissance des dernières années, ce sont les pays du sud qui l’ont payée au prix de la dérégulation des relations de travail, de la destruction de l’Etat, au prix du massacre de leurs économies. L’immigration, légale ou non, a aussi fourni au Nord une main d’œuvre plus précaire et plus exposée à l’exploitation salariale. Le Sud a lourdement payé la croissance, il ne doit pas maintenant payer la crise.
 
Comme par le passé, la Suisse veut, face à la crise, fermer ses frontières. Elle veut également expulser celles et ceux qui n’ont pas de permis, même s’ils-elles sont là depuis de nombreuses années. La Suisse veut fermer les portes à ceux et celles que les accords de la libre circulation permettaient de venir y travailler.
 
Le mouvement syndical a une responsabilité particulière face à cette volonté du Conseil fédéral de vouloir à nouveau refermer les frontières. Déjà dans les années 70, lors de la première crise pétrolière, c’est en expulsant des travailleurs émigrés et en retirant les femmes du marché du travail que l’économie suisse avait évité la crise. Ce sont maintenant les mêmes recettes qui sont appliquées et là, le mouvement syndical et une partie de la gauche ont une responsabilité en ayant laissé planer l’idée que nos collègues étrangers-ères, nos collègues immigrés-es pouvaient au travers de la libre circulation être les instruments de la crise, du dumping salarial, de la dérégulation.
 
La CGAS le dit et le réaffirme aujourd’hui : ce ne sont pas celles et ceux qui ont construit ce pays, qui travaillent dans ce pays mais qui n’ont pas de passeport ou qui n’ont pas de papiers, qui doivent payer la crise, ce n’est pas le Sud non plus qui doit payer la crise.
 
C’est pourquoi nous ne devons pas céder aux sirènes du protectionnisme et de la xénophobie. Ce n’est pas l’Autre, celui ou celle qui n’a pas le passeport à croix blanche, celui ou celle qui n’a pas le bon permis, qui doit être désigné comme le-la responsable, comme celui ou celle qui doit partir pour que, soit disant, celles et ceux qui sont déjà là avec le bon passeport ou le bon permis puissent continuer à travailler.
 
Ce n’est qu’unis-es, unis-es à l’intérieur de nos frontières, et unis-es avec celles et ceux qui sont en dehors de ce pays, c’est aussi unis-es avec les mouvements syndicaux et les organisations du Sud, du Nord et de l’Est que nous pourrons trouver la voie vers un autre monde et non pas en soutenant des plans de relance protectionnistes qui se limitent à donner de l’argent aux banques et à ceux qui nous ont menés dans cette crise, que nous trouverons le chemin d’un autre monde. Ce n’est pas en adoptant les mêmes recettes capitalistes, que nous construirons une réponse socialement et écologiquement solidaire à la crise actuelle.
 
Ce n’est pas au Sud de payer la crise, ce n’est pas à l’immigration, quelle soit légale, quelle soit sans-papiers de payer la crise, et le mouvement syndical genevois comme suisse doit s’engager véritablement pour le réaffirmer. Merci !
 
Hervé Pichelin
Président CGAS
Co-secrétaire général du SIT