Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

iban CH69 0900 0000 8541 2318 9

Pour l’emploi, contre l’exclusion

lundi 22 avril 1996 par Claude REYMOND
Initiative populaire cantonale

(présentée lors de la conférence de presse du 22 avril 1996)

PDF - 518.8 ko
1996-04-22cgas_IN_pour_emploi_contre_exclusion-re-0332.pdf

A. Politique économique : créer des emplois, agir de manière anticyclique, réformer la fiscalité

1. Développer une politique économique

1.1 L’Etat développe une politique visant à maintenir les emplois existants et à en encourager la création en privilégiant ceux qui sont productifs et socialement utiles par un soutien aux entreprises, qu’elles soient localisées à Genève (création de nouveaux emplois, restructurations) ou qu’elles soient disposées à s’y implanter, à condition qu’elles soient signataires d’une convention collective ou respectent les usages en vigueur.

Il prend en compte la dimension régionale, la nécessité d’un développement durable et veille à l’amélioration des infrastructures afin de garantir des conditions-cadres attractives : transports (lien avec le réseau TGV, modernisation de l’aéroport), télécommunications, protection de l’environnement, qualité de la vie, formation et perfectionnement professionnels, logements pour toutes les catégories de résidants.

En tant qu’employeur, il développe une politique visant à maintenir les postes de travail dans la fonction publique pour lutter contre le chômage et préserver les prestations à la population, en concertation avec les syndicats.

1.2 La politique de promotion économique, en lien avec la région, vise particulièrement :

  • les entreprises, à haute valeur ajoutée, destinées à l’exportation, notamment : biotechnologie, biomédical, haute technologie, protection de la nature, dépollution, technologie d’information, mécatronique ;
  • les entreprises de recherche : environnement, scientifique, culturel, santé ;
  • les entreprises privées et publiques utiles au rôle international de Genève : organisations internationales et humanitaires, tourisme, consultants ;
  • les emplois de proximité répondant aux besoins sociaux en constante évolution : personnes âgées, garde d’enfants, mais aussi dans les domaines culturel, sportif et associatif.

1.3 Les moyens disponibles s’adressent prioritairement aux PME et aux entreprises coopératives ou qui associent les travailleurs-euses à la gestion : cautionnement, prise en charge partielle des intérêts, allégements fiscaux transparents, aide administrative (recherche de terrains, subventions fédérales, permis de travail, marketing), mise en réseau avec des institutions de recherche (CERN, OMS, Universités, EPFL), bonus à la rénovation.

L’Etat veille à ce que la Banque Cantonale joue un rôle de soutien à l’activité économique locale et aux emplois et qu’elle ne s’engage pas dans des projets contribuant à la spéculation.

L’Etat lutte contre la spéculation foncière qui déstabilise les entreprises au détriment de l’emploi.

1.4 L’Etat intègre la dimension régionale dans ses décisions, notamment en :

  • s’assurant de la complémentarité des mesures régionales ;
  • équilibrant les pôles d’habitation et d’activités ;
  • dynamisant les échanges ;
  • organisant des réseaux de transports publics efficaces.

1.5 Le suivi et la transparence de la politique économique sont garantis par une structure à créer associant les partenaires sociaux et l’Etat et travaillant avec les banques. Cette structure est également destinée à convoquer les entreprises qui ont annoncé à l’Office cantonal de l’emploi (OCE) leur intention de licencier et à examiner toute mesure alternative aux licenciements.

Le Conseil d’Etat informe le Grand Conseil deux fois par an des mesures prises.

2. Agir de manière anticyclique

2.1 L’Etat s’engage dans une politique économique anticyclique de soutien à l’emploi dans les périodes conjoncturelles difficiles par le biais de son budget d’investissement et par la politique de l’emprunt. A cet effet, il constitue des réserves pendant les périodes favorables. Les critères utilisés pour définir une période conjoncturelle sont les différents indicateurs quantitatifs et qualitatifs de l’économie cantonale et des secteurs d’activité économique.

2.2 Les investissements sont prioritairement affectés à des réalisations représentant un caractère d’utilité publique, répondant aux besoins sociaux créateurs d’emplois et favorisant une politique régionale (développement des transports publics, construction de logements sociaux, infrastructures de formation). Ils sont, si possible, combinés avec des investissements privés de manière à dégager un effet multiplicateur de la politique d’investissement public. Les possibilités de mise en place de sociétés mixtes sont étudiées.

3. Réformer une fiscalité qui pénalise l’emploi

La fiscalité cantonale sur les personnes morales est réformée de manière à mettre sur pied un système d’imposition proportionnel sur les seuls bénéfices et non pas sur l’intensité du rendement (= rapport bénéfice / capital), qui pénalise actuellement les entreprises à faible capitalisation. Un ré-équilibrage en faveur de ces dernières, souvent fortes pourvoyeuses d’emplois, sera rétabli par une pression fiscale accrue sur les entreprises à forte intensité de capital pour un volume total de rentrées fiscales équivalent à celui d’aujourd’hui.

B. Emploi, formation, temps de travail

4. Développer une formation accessible à tous

4.1 En lien avec les partenaires sociaux au sein du Conseil central interprofessionnel (CCI), l’Etat encourage et démocratise la formation. Dans l’immédiat, tant pour améliorer les compétences que pour accroître les chances de réinsertion et ne pas entraver les phases de redémarrage économique par un déficit de formation, la priorité est accordée à la qualification et la requalification de la main d’oeuvre existante. De ce fait, un effort particulier est fait en matière de formation d’adultes, et cela dans deux directions :

  • permettre à qui le souhaite d’accéder à la formation, assurer une qualification de base aux nombreux-ses salariés-es non qualifiés-es auxquels Genève a fait appel jusqu’ici ;
  • permettre à qui le souhaite d’accéder à la formation continue, promouvoir une requalification ou une qualification supplémentaire pour le personnel moyennement qualifié.

4.2 Pour ce faire, l’Etat encourage la formation continue par un système transparent et accessible de formation par unités de valeur, qui permet de capitaliser toute formation en tout lieu accrédité et de déboucher sur des certifications reconnues. Ce système permet notamment d’assurer la compatibilité entre formation professionnelle et maturité professionnelle d’une part, et les études longues (y compris l’Université) d’autre part.

4.3 Il développe à cet effet la législation et la réglementation, renforce la Délégation au perfectionnement professionnel et le Service de la formation continue (Université) et les charge de mettre sur pied un système de reconnaissance des unités capitalisables et des certifications auxquelles elles permettent d’aboutir, en lien avec les partenaires sociaux.

4.4 L’Etat favorise l’accès à la formation par :

  • une "carte de crédit annuel" de formation permettant de suivre des cours professionnellement utiles dans une institution d’utilité publique et équivalant à 40 heures de cours ;
  • l’accès pour qui le souhaite à un bilan personnel après cinq ans de travail salarié et un an dans la même entreprise ;
  • une politique d’information de toutes les possibilités de formation ;
  • la mise sur pied d’une structure d’appui pour la réalisation des projets de formation des acteurs sociaux concernés (entreprises, associations professionnelles ...) ;
  • l’organisation, à l’intention plus particulièrement du personnel non-qualifié, de cours collectifs en vue de la préparation au CFC selon l’article 41 de la Loi fédérale sur la formation professionnelle.

4.5 Il convient, en période conjoncturelle difficile, de mettre sur pied une offensive en matière de perfectionnement professionnel complémentaire aux dépenses du budget de fonctionnement allouées à ces fins. Ce programme est géré par le Fonds en faveur de la formation et du perfectionnement professionnel (FFPP).

Une structure tripartite est mise en place. Elle associe l’Office d’orientation et de formation professionnelle (OOFP), l’Office de la promotion économique et l’Office cantonal de statistique (OCSTAT).

5. Encourager la création d’emplois par la réduction du temps de travail

5.1 L’Etat encourage les entreprises et les secteurs économiques à mettre sur pied un programme de réduction significative du temps de travail visant notamment à maintenir ou/et à créer des emplois et à faciliter la formation continue des travailleurs-euses ; les critères suivants doivent être respectés :

  • affectation prioritaire des gains de productivité à la diminution de l’horaire hebdomadaire du travail ;
  • maintien de la protection sociale ;
  • implication des travailleurs-euses de l’entreprise ;
  • accord des salariés concernés et des partenaires sociaux de la branche.

5.2 Les entreprises développant une politique telle que décrite ci-dessus sont encouragées notamment sur le plan fiscal (sur la base des articles 14a et 65a LCP) et en faisant usage des différentes formes d’aides fédérales (notamment les mesures préventives de la LACI - Loi fédérale sur l’assurance chômage et insolvabilité).

5.3 Les collectivités publiques sont invitées à mettre en place un programme de réduction du temps de travail pour autant qu’elles souscrivent aux mesures énoncées (5.1) et maintiennent la qualité des prestations à la population.

5.4 En matière de sécurité sociale, l’Etat modifie la législation cantonale afin de ne pas discriminer les travailleurs-euses à temps partiel et intervient au niveau national pour faire corriger les lois fédérales dans le même sens.

C. Traitement social du chômage : le chômage sans l’exclusion

6. Mettre un terme à l’exclusion

6.1 L’Etat a pour tâche de mettre fin à l’exclusion due au chômage de longue durée par le développement des occupations temporaires (OT) utilisables chaque délai-cadre. Celles-ci sont d’une durée de 6 mois et interviennent dès la 1ère année de chômage.

Si le terme des indemnités journalières de la LACI intervient avant la fin du délai-cadre de prestation, une nouvelle OT - dont la durée doit permettre l’ouverture d’un nouveau droit LACI - est proposée.

Le but de ces mesures est d’éviter tout recours à l’assistance publique pour les chômeurs-euses en fin de droit LACI.

6.2 L’OT individuelle tient en principe compte des compétences de la personne à qui elle est proposée. Elle peut également faciliter un recyclage. Elle doit, en tout état de cause, viser à augmenter l’aptitude au placement. Pour ce faire, elle est jumelée avec un plan de formation intégré à l’horaire hebdomadaire de travail.

Les mesures d’OT peuvent être combinées avec des mesures d’allocations d’initiation au travail (AIT) prévues par la LACI.

6.3 L’Etat assure la perte de gain des personnes en OT qui seraient en incapacité de travail.

6.4 Afin de trouver de nouvelles places d’OT, l’Etat crée ou encourage des programmes d’OT collectives dont le caractère d’utilité publique est fondamental ; il établit un réseau de collaboration avec les associations et organisations sans but lucratif, les organisations non gouvernementales. Il peut autoriser, sous contrôle des partenaires sociaux, des projets précis d’OT dans le cadre d’entreprises.

L’Etat veille, par le biais d’un contrôle tripartite, à ce que les programmes d’OT collectives ne soient pas en concurrence avec les entreprises, qu’une OT, une AIT ou un stage ne remplacent pas un poste de travail ou que ces placements (stages, AIT) ne soient pas des aides déguisées aux entreprises.

6.5 Toute personne au chômage depuis plus de 3 mois s’inscrit, en priorité auprès d’institutions d’utilité publique, pour effectuer un bilan, suivre des cours de techniques de recherche d’emploi (TRE), participer à un club emploi, à une entreprise d’entraînement, etc.

7. Réinsérer les sans-emploi

Le Fonds genevois de chômage est transformé en fonds destiné à allouer des prestations sur le modèle actuel pour toute personne souhaitant se réinsérer sur le marché du travail et n’ayant pas droit aux indemnités fédérales de chômage.

8. Instaurer une contribution sociale généralisée (CSG)

Pour financer le nouveau programme d’OT, complémentaire à celui prévu aujourd’hui par la loi, et le fonds cantonal de chômage, une contribution sociale généralisée est instituée. Elle est prélevée en pour cent, sans plafond, sur tous les revenus du capital, du travail et des transferts. Son montant est fixé au vu de l’estimation du coût des mesures envisagées et a un caractère temporaire dépendant des résultats de la lutte contre le chômage.

9. Faciliter le premier emploi

Pour les jeunes qui sont au chômage et à la recherche d’un premier emploi, l’Etat promeut, dès le 4e mois, toutes les mesures de perfectionnement professionnel, d’occupation et de stage. Le but est aussi de donner la première expérience professionnelle sous forme de stage aux jeunes sortant de formation. Ces mesures doivent être compatibles avec des programmes d’occupation à plein temps, de formation ou d’utilité publique, notamment des stages linguistiques, y compris à l’étranger.

10. S’assurer obligatoirement contre la perte de gain

Chaque chômeur-euse est assuré-e obligatoirement contre la perte de gain dans le cadre d’une assurance collective ou privée ou à l’assurance prestations cantonales maternité et maladie (PCMM). Les prestations sont versées sans restriction de risques et sans critère de permis de travail.

11. Réformer l’OCE : doter les services publics d’une nouvelle ambition

11.1 La mission du service public est d’assurer le placement des demandeurs-euses d’emplois dans le respect des conditions de travail définies règles usuelles de la profession.

11.2 Est interdit tout transfert de données ou de ressources vers des entreprises de placement privé et agences de travail temporaire.

11.3 L’Etat a pour tâche de réformer et professionnaliser le service de placement de l’OCE pour le rendre plus efficace. Le personnel est formé systématiquement et en nombre suffisant pour répondre aux normes Ofiamt (1 placeur-euse pour 100 chômeurs-euses) et aux qualités qu’exige le contact avec les chômeurs-euses.

11.4 Cette réforme doit permettre la création de plusieurs antennes polyvalentes et interprofessionnelles de l’OCE de manière à utiliser toutes les ressources de recyclage, de réinsertion et de placement. Les antennes travaillent en lien avec les partenaires sociaux et les bourses de l’emploi paritaires grâce à la création d’un conseil consultatif pour chacune de ces antennes. Le service de l’emploi informe de toutes les possibilités de formation par des documents pour les chômeurs-euses (centre de bilan, TRE, club emploi, etc, accrédités par les organes compétents).

11.5 L’autonomisation des antennes doit permettre la motivation des équipes, l’émulation et de trouver à terme des sources de financement complémentaires (notamment taxes prélevées sur certaines opérations de placement).