Communauté genevoise d’action syndicale

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rencontre des membres des Commissions internationale CGAS + SIT

les syndicalistes philippins de Nestlé

compte-rendu des échanges

mardi 11 avril 2006 par Claude REYMOND

La commission internationale CGAS a reçu, Carina Castillo, secrétaire générale de la coalition nationale pour la protection des droits des travailleurs de la région Centre Sud Philippines (Luçon) et Noel Aleman, Président ad intérim du syndicat KMU du secteur Nestlé aux Philippines (Kilusang Mayo Uno - fédération des travailleurs de l’industrie des médicaments, de l’alimentation et activités connexes). Ils effectuent un voyage en Suisse de deux semaines environ. Leur voyage a été organisé par Donnie M. émigré philippin en Suisse.

Durant ce séjour en Suisse, cette délégation a rencontré des syndicats en Suisse alémanique, Multiwatch, et Solifonds ainsi que le SECO, Nestlé, l’OIT, l’UITA, des partis politiques, des associations philippines, des ONG.

Objectifs :

▪ Informer de la situation particulière de l’usine Nestlé à Cabuyao, Laguna qui refuse de négocier le plan de retraite dans la CCT, de la grève des travailleurs-euses qui dure depuis janvier 2002, des atteintes aux droits des travailleurs-euses et aux droits humains.

▪ Dénoncer le rôle de Nestlé. Nestlé Cabuyao, Laguna ne sous-traite pas, c’est donc Nestlé Suisse l’employeur.

▪ Préparer une plainte à l’OIT.

▪ Trouver des soutiens pour ces actions (aides, conseils, campagnes dénonciation et boycott, et des soutiens financiers à l’organisation et aux personnes en grève).

Situation exposée

26 usines /filiales Nestlé aux Philippines : 6 appartiennent directement à Nestlé - dont celle de Cabuyo, Laguna - 20 sont sous-traitées et réunissent 5000 employé-e-s.

KMU signifie Mouvement du 1er mai (à l’origine communiste, d’opposition au gouvernement Marcos). Il n’est pas affilié à la CISL ou CMT.

La sécurité sociale - retraite - est obligatoire aux Philippines pour les employés et est différenciée selon si services publics ou secteurs privés.

Le plan de retraite inscrit dans la CCT est litigieux chez les ouvriers de Nestlé depuis 1987, l’année à laquelle il voulait le retirer de la CCT. En 1991 la Cour Suprême a confirmé la nécessité d’inscrire et de négocier la retraite dans la CCT.

Lors du renouvellement de la CCT entre KMU et Nestlé Cabuyao dès juin 2001, Nestlé impose une pré-condition de renoncer aux droits de retraite.

La grève est votée et démarre le 14 janvier 2002. Les piquets de grèves toujours mieux organisés finiront par bloquer l’usine.

Nestlé a immédiatement fait intervenir le ministère du travail, la Ministre interviendra en défaveur des employé-e-s et des grévistes, contre le jugement des tribunaux, de la Cour Suprême et de la Cour d’Appel, invoquant l’intérêt nationale et des relations avec Nestlé voire la Suisse. Elle ordonne des ordres d’évacuation répressifs (interventions de la police, des militaires, de gardes privés, etc).

Durant les manifestations, les piquets, les grévistes seront blessés, insultés, puis aussi jugés et criminalisés. On assiste à une criminalisation des mouvements syndicalistes allant jusqu’à l’amalgamation avec le terrorisme et la possibilité de dénoncer et d’arrêter les personnes, l’établissement de listes noires empêchant les grévistes et leurs proches de retrouver de l’emploi. Le président de KMU, M. Fortuna, sera assassiné lors d’une manifestation. Le gouvernement philippin et la Présidente Arroyo feront tout pour conserver des bonnes relations économiques avec Nestlé Cabuyao, Laguna.

Il est établi que la Ministre du travail ne veut pas revenir sur un jugement de la Cour Suprême. Il est clairement établi aussi que le gouvernement fait tout pour préserver les intérêts capitalistes et les possibilités d’investissements de Nestlé.

Résultats :

▪ plus de 4 ans de grève, impossibilité pour les grévistes de retrouver du travail (95% des employés Nestlé concerné, sur environ 620 employés à Cabuyo Laguna, sont syndiqués), les conséquences de telles grèves sont économiquement physiquement moralement très lourdes (absence de revenus, décès manque de soins, blessés réguliers lors de manifestations, etc).

▪ Enormes répressions : moyens policiers et militaires mis à disposition de Nestlé.

▪ La production de Nestlé Cabuyao Laguna se poursuit, est un peu altérée, avec du personnel engagé temporairement et précaire, donc qui ne peut pas se syndiquer.

▪ Une campagne nationale de boycott à Nestlé organisée par KMU et des ONG militantes dans les droits humains "il y a du sang dans ton café" a fait un peu trembler Nestlé. Toutefois, elle est freinée par un décret présidentiel qui a instauré un coup d’état d’urgence, loi martiale, dans le pays.

▪ L’arrestation et l’emprisonnement de parlementaires syndicalistes est désormais possible sous prétexte qu’il- elle peut être dangereux pour les intérêts nationaux, donc atteintes aux droits humains et d’expression des syndicats sont très fortes.

▪ Nestlé Cabuyao Laguna engage des personnes très précaires qui ne peuvent pas faire valoir des droits syndicaux. Par ailleurs Nestlé a une bonne stratégie de division syndicale, créé des syndicats "maisons" dans ses filières et dans les entreprises sous-traitantes.

Conclusions :

Les revendications de KMU des grévistes de Nestlé sont légitimes et justifiés (jugements de la Cour suprême en faveur des syndicats ; refus de l’entreprise suisse d’entrer en matière sur des revendications légales et justifiées).

En Suisse, la délégation a eu des entrevues et contacts très riches. Idées :

▪ faire pression et d’obliger Nestlé à conclure un accord et une CCT incluant l’aspect des retraites et exiger le paiement et des réparations par tous les moyens (plainte BIT, contacts avec Nestlé et actions lors de l’assemblée des actionnaires Nestlé le 6 avril). Un entretien avec la direction des RH a été obtenu et ce point de vue a été entendu, la direction dit être sensible et veut mettre en œuvre quelque chose, elle admet la nécessité de trouver une solution (sont touchés par le slogan de la campagne de boycott) ...à suivre,

▪ Dénoncer les aspects d’atteintes aux droits humains et syndicaux (contacts avec les syndicats et l’OIT), Information sur les pétitions pour exiger la libération des parlementaires syndicalistes emprisonnés. Plainte ▪ OIT se prépare. La commission des DH a ordonné une enquête aux Philippines, rien n’a été fait localement pour investiguer.

▪ Le SECO se dit limité par les contraintes des lois suisses. Précise que si une plainte est déposée contre Nestlé, il est impératif de s’abstenir de tout moyen de pression et de lutte.

▪ Réunir les actions, aider les camarades de KMU dans leurs démarches. Se coordonner entre les organisations syndicales, Multiwatch.

Aides financières possibles pour voyages, soutien local, futures actions, etc.

Qui coordonne ? Comment ?

Notes établies par Françoise Weber.