pour que cesse l’impunité

en matière d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, tortures

ou autres dénis des droits fondamentaux

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Le Guatemala vole au secours d’Erwin Sperisen

jeudi 24 octobre 2019 par Claude REYMOND

Politique et justice Proche du nouveau président conservateur, l’ex-chef de la police, condamné à 15 ans de prison à Genève, règle quelques comptes.

publié par la Tribune de Genève le 24-10-2019

Le vent politique a tourné au Guatemala. Rien à voir avec la vague verte helvétique, puisque le président conservateur élu en août, Alejandro Giammattei, promet de rétablir l’ordre « à coups de testostérone », selon son expression. Le nouvel élu est un proche d’Erwin Sperisen et cela a son influence sur l’affaire du même nom. L’ancien chef de la police guatémaltèque a été condamné à Genève à une peine de 15 ans pour complicité dans l’assassinat des sept détenus dans une prison de son pays.

Sperisen habite à Berne
Mardi, il était 10 h à Guatemala City et 18 h en Suisse quand le Congrès centraméricain a établi une connexion directe avec Erwin Sperisen et ses deux avocats genevois, Mes Florian Baier et Giorgio Campá. Tous trois se trouvaient dans la résidence bernoise de l’ancien chef de la police du Guatemala. Condamné à Genève et dans l’attente d’une décision du Tribunal fédéral (TF) sur sa sentence, celui que l’on surnomme « le Viking » a reçu l’autorisation de s’établir à Berne, où son épouse travaille pour le consulat du Guatemala. Les mesures de substitution prises par la justice genevoise y ont été transférées. Désormais, Erwin Sperisen ne peut quitter Berne, sauf pour se rendre à Genève en train.
Mardi, l’homme à l’épaisse barbe rousse et ses avocats ont répondu aux questions de la toute récente commission parlementaire « pour la vérité » formée pour enquêter sur la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig). Cette dernière a largement contribué au lancement d’un mandat d’arrêt international contre l’ancien chef de la police guatémaltèque. Mais aujourd’hui, il ne reste que des cendres de cette organisation internationale, née d’un accord entre le pays et les Nations Unies. Elle a été unilatéralement démantelée par la nouvelle présidence du Guatemala. Et une récente commission parlementaire se charge désormais d’auditionner les prétendues victimes de la Cicig.
Parmi elles, il y aurait donc l’ancien chef de la police nationale civile. Mardi, les échanges entre les parlementaires et le camp d’Erwin Sperisen par Skype (retransmis en direct) ont permis à ce dernier de dire tout le mal qu’il pense d’« une organisation criminelle, instrument de persécution politique » qui a « usurpé l’image des Nations Unies ». L’ancien policier, accusé d’exécutions extrajudiciaires dans le pénitencier de Pavón, a dénoncé le mandat d’arrêt international diffusé « sans preuves ». Ce mandat a donné lieu à son arrestation à Genève, où le père de famille, au bénéfice d’un passeport suisse, s’était établi en 2007.

La vidéo qui a agité l’affaire
Au cours de cet échange avec les élus guatémaltèques, les avocats genevois ont suivi la ligne de défense qui est la leur depuis le début de cette affaire tentaculaire. Devant leur écran, questionnés par les membres de la « commission de la vérité », ils ont brandi des éléments à charge contre la Cicig.
Il y aurait eu notamment des photos truquées. Puis une vidéo bien connue a été diffusée. Elle met en scène une femme âgée, mère d’un détenu assassiné, à qui la Cicig aurait fait signer des papiers dont elle ne comprenait pas la teneur. En 2014, l’interview de cette dame réalisée par le journaliste de « L’Illustré » Arnaud Bédat avait fait grand bruit. Elle disait ignorer son statut de plaignante à l’encontre de l’ancien chef de la police dans le procès qui s’ouvrait ce jour-là.

Le dernier mot au TF
Que restera-t-il des travaux de cette commission parlementaire ? Difficile à dire. D’autant que la Cicig a été définitivement enterrée après avoir révélé une série d’affaires de corruption et fait tomber plusieurs notables au Guatemala.
Si sa disparition était souhaitée par ceux qui gouvernement désormais ce pays d’Amérique centrale, la communauté internationale a pour sa part dénoncé « un coup porté à la lutte contre l’impunité », faisant écho aux ONG et aux pires craintes exprimées « pour les militants des droits de l’homme ».
Voilà pour le contexte politique. Mais pour l’heure, le destin d’Erwin Sperisen se joue davantage au Tribunal fédéral, saisi par sa défense à la suite de sa troisième condamnation par la Chambre pénale d’appel et de révision de Genève. Le verdict du TF pourrait être rendu avant la fin de l’année.



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