pour que cesse l’impunité

en matière d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, tortures

ou autres dénis des droits fondamentaux

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Un Etat contre-insurrectionnel sans guérilla

« Un acquittement de Sperisen serait catastrophique »

Vingt ans après la fin de la guerre civile, l’Etat de droit n’existe toujours pas. Investisseurs et corrompus tirent les ficelles avec la complicité de la justice, dénonce Lesly Ramirez.

mercredi 6 mai 2015 par Claude REYMOND

La corruption est au cœur des protestations actuelles. Y voyez-vous un espoir de changement ?

(Elle hésite.) Je ne sais pas. Je trouve très bien que les gens se mobilisent, et plus seulement à la campagne. J’espère que l’indignation ressentie aujourd’hui servira à créer des convergences politiques (le pays est en année électorale, ndlr). Pour le moment, le pays ne dispose pas d’une force politique alternative capable de prendre le pouvoir. Ce sera difficile, les médias indépendants sont inexistants au Guatemala et le système de partis est extrêmement fermé. Le patronat a des moyens incomparables pour faire passer ses candidats. Sans compter que l’Etat guatémaltèque est très clientéliste. Dans un pays, où de nombreux citoyens dépendent des aides sociales pour s’alimenter, il est difficile d’aller à contre-courant.

Que pensez-vous de la tenue du procès en appel d’Erwin Sperisen à Genève ?

J’ai trouvé positive sa condamnation l’an der-nier. Alors qu’au Guatemala l’un des responsables des escadrons de la mort est passé entre les gouttes, je me suis dit qu’il y avait au moins un pays qui faisait son travail ! On le voit avec le cas de corruption qui fait actuellement scandale au Guatemala : les réseaux oc- cultes demeurent une réalité au sein de l’Etat, comme du temps où Sperisen et ses complices œuvraient au sein des Ministères de l’intérieur, de la justice et dans les institutions pénitencières. Tous les domaines, toutes les institutions sont touchées. Face à l’impunité, la condamnation d’Erwin Sperisen a créé un précédent crucial au moment même où sont réduits à néant les quelques progrès réalisés par la justice guatémaltèque (sous l’impulsion de Claudia Paz, l’ex-procureure générale destituée en 2014, ndlr). C’est pourquoi l’acquittement d’Erwin Sperisen en appel enverrait un message absolument catastrophique.

Lors du premier procès, certains médias et les avocats de Sperisen ont donné une mauvaise image de la CICIG, l’organe onusien à l’origine de l’enquête sur l’ancien policier. Qu’en pensez-vous ?

La CICIG a certainement des limites, elle vient pourtant de prouver à nouveau toute son importance. Sans elle, l’actuel scandale dans les douanes n’aurait pas éclaté ! Cela dit, si vous demandez à un Guatémaltèque ce qu’il pense de cet organe, il y a des chances qu’il vous dise la même chose que les défenseurs de Sperisen. De gros moyens ont été employés pour discréditer cette institution difficile à contrôler.
Le président guatémaltèque refusait de prolonger le mandat de la CICIG. Depuis le scandale, il semble avoir changé d’avis...

La CICIG est aujourd’hui la seule institution à pouvoir mener une enquête d’envergure dans ce pays. La prolongation de son mandat – et son élargissement – est absolument indispensable ! Les institutions sont encore faibles et la justice demeure très politisée, infiltrée. On a été jusqu’à créer des universités plus ou moins fictives pour octroyer des diplômes et faire nommer des juges bienveillants à certains intérêts !


PROPOS RECUEILLIS PAR

BENITO PEREZ

On croyait la société guatémaltèque blasée par deux décennies de promesses démocratiques non tenues. Or, depuis trois semaines, et l’éclatement du scandale de la Linea, qui révèle une nouvelle fois la corruption régnant tout au sommet de cet Etat centraméricain, des milliers de citoyens sont descendus dans la rue pour dénoncer le « pillage » du bien commun, et exiger la démission de la vice-présidente Roxana Baldetti. Les manifestants craignent que gouvernement et justice ne concourent à enterrer les révélations faites par la Commis- sion internationale contre la corruption au Guatemala (CICIG), organe dépendant de l’ONU et opérant depuis huit ans dans ce pays.

La corruption, les abus de pouvoir judiciaire et policier, la symbiose entre des services de l’Etat et le crime organisé dénoncés depuis des semaines dans les rues du pays, Lesly Ramirez les affronte de longue date sur le terrain de la lutte paysanne. Les communautés indigènes qu’elle coordonne au sein de la Centrale paysanne Ch’orti’ Nuevo Día paient un lourd tribut répressif à leur opposition aux projets hydroélec- triques menaçant leurs territoires de l’Orient guatémaltèque. De passage à Genève, elle évoque pour Le Courrier la difficile bataille des Guatémaltèques pour le respect des droits humains et l’importance du procès d’Erwin Sperisen, cet ancien chef de la police locale, actuellement jugé à Genève en appel.

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