pour que cesse l’impunité

en matière d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, tortures

ou autres dénis des droits fondamentaux

p.a. CGAS - Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève - phone +41 22 731 84 30 fax +41 22 731 87 06

Prison à vie confirmée en appel pour Erwin Sperisen

PROCÈS • La Cour d’appel a condamné l’ancien chef de la police guatémaltèque pour sa participation à l’assassinat de dix détenus.

mercredi 13 mai 2015 par Claude REYMOND

par PAULINE CANCELA dans Le Courrier 13-05-2015

Ce sera la peine maximale, encore une fois. Hier, la Cour d’appel de Genève a condamné Erwin Sperisen à la prison à vie, confirmant le jugement du Tribunal criminel. L’ancien chef de la police nationale civile du Guatemala, qui demandait l’acquittement complet, est à nouveau reconnu coupable de l’exécution extrajudiciaire de sept prisonniers. Les juges de la Chambre pénale d’appel et de révision l’ont en outre condamné pour l’exécution de trois autres détenus, volet sur lequel le binational avait été ac- quitté en première instance faute de preuves.

C’est dans une salle bien remplie que la Cour a rendu son verdict, évoquant la « détermination considérable » d’Erwin Sperisen dans sa participation aux escadrons de la mort. « Il est coupable de l’ensemble des faits reprochés », a déclaré la présidente Alessandra Cambi, en soulignant la « gravité extrême » de la faute.

Sur la base du même dossier que celui du Tribunal criminel, les juges de deuxième instance se sont dits convaincus que celui qui était sur- nommé le « viking » a participé à des missions de « nettoyage social » lors de deux opérations secrètes en 2006 et en 2005. « Il a organisé, commandité et supervisé l’exécution de dix prisonniers, dix hommes sans défense, humiliés, frappés, criblés de balles et agonisants », a poursuivi la présidente.

« Collaboration exécrable »

La seule réserve émise par la Cour concerne la culpabilité directe de M. Sperisen dans l’un des dix assassinats. Revenant sur le jugement du Tribunal criminel, les juges ont estimé en appel que le témoignage principal n’était pas suffisamment fiable pour établir que le Suisso-Guatémaltèque de 44 ans a bien tué un des prisonniers de ses propres mains. Ce qui ne change rien à la gravité des faits, en définitive.

La présidente a enfin relevé la « collaboration exécrable » d’Erwin Sperisen, qui « s’est refusé à toute démarche d’introspection » durant la procédure, quitte à « salir » les ONG, la Commission internationale des Nations Unies contre l’impunité au Guatemala (CICIG), ou encore les autorités judiciaires genevoises.

Le Ministère public a donc été suivi sur toute la ligne. Pour le procureur, Yves Bertossa, la Cour d’appel a donné un « signal clair ». « Genève n’est pas un refuge pour les Suisses qui commettent des crimes à l’étranger », commente-t-il. En ajoutant que ce procès est la preuve que l’on peut juger à distance des faits qui ont été commis il y a bientôt dix ans.

Un point soulevé également par Philip Grant, directeur de Trial, une ONG suisse dont le rôle a été déterminant pour porter le cas devant la justice genevoise. « C’est une
validation du travail mené par la CICIG et les ONG guatémaltèques et suisses qui luttent contre l’impunité », se félicite-t-il. « La nuance apportée en deuxième instance montre en outre que l’intention criminelle est importante puisqu’elle s’inscrit dans le temps. »

Recours annoncé au Tribunal fédéral

Pour la défense, en revanche, c’est le choc. Les avocats d’Erwin Sperisen, Florian Baier et Giorgio Campa, ont déjà annoncé un recours au Tribunal fédéral, voire à la Cour européenne des droits humains. Ils dénoncent un verdict politique. « Ce jugement est scandaleux. Il n’est pas admissible de faire évoluer les charges tout en reconnaissant par ailleurs qu’un des témoins principaux a menti. M. Sperisen est innocent et les magistrats sont notablement partiaux dans cette affaire », réagit Me Baier. I



Sur le Web