9 novembre 1932 - plus jamais ça

à la mémoire du 9 novembre 1932, pour la démocratie et la liberté

p.a. CGAS - Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

Discours de René Ecuyer

samedi 29 novembre 2003 par Xavier FERNANDEZ

Discours de René Ecuyer – manifestation du 9 novembre 1932 – 2003
Plaine de Plainpalais

Nous rendons hommage aux victimes de cette soirée du 9 novembre 1932, victimes dues au cynisme d’une bourgeoisie genevoise prête à tout pour s’opposer à la colère populaire, prête au crime, à la lâcheté.

9 novembre 1932
3 heures du matin, le téléphone sonne chez Frédéric Martin, conseiller d’Etat. C’est Zoller, son chef de la police cantonale, qui vient lui communiquer les renseignements concernant les décisions prises par le Parti socialiste la veille au soir pour répondre à la provocation des fascistes de l’Union nationale de « mise en accusation publique des sieurs Dicker et Nicole », dirigeants socialistes.
A noter que les autorités genevoises ont toujours trouvé des « ballots » pour le poste de chef de la police …
Zoller a « appris d’une personne dont il ne veut pas dire le nom, laquelle a été renseignée par quelqu’un qui a assisté à l’assemblée du parti socialiste que des contre-manifestants, munis de poivre, entreraient dans la salle communale, au besoin en coupant les cordes de sécurité et en débranchant les hydrants … »

Ainsi, sur la base d’informations non contrôlées, le Conseil d’Etat et le Chef de la police décident de faire appel à l’armée, soit 600 soldats, équipés d’armes de guerre, de l’école de recrue I/III stationnée à Lausanne, ce qui sera la conséquence d’un massacre dont la bourgeoisie porte l’entière responsabilité !

En ces années trente, le capitalisme mondial est en pleine crise, réduisant les masses populaires à une profonde misère. Crise économique, et aussi crise agraire : des millions de familles paysannes sont réduites à la famine. Le monde compte officiellement 55 millions de chômeurs. La production aux Etats-Unis est, en 1932, à 65% de ce qu’elle était en 1929, en Angleterre 86%, en Allemagne 66% et en France 77%. Entre 1929 et 1932, la production mondiale a diminué de 40%, et le commerce international a diminué lui, de 60%.

La colère cède à la prise de conscience du peuple. Aux élections allemandes de juillet 1932, socialistes et communistes qui partaient chacun de leur côté recueillent 13 millions 360.000 voix et le national-socialisme hitlérien 13 millions 760.000 voix. Mais déjà en Italie, au Japon, le capitalisme a abandonné le pouvoir politique au fascisme, plus apte à museler l’action des masses …

Et à Genève ? Quels sont les gens que le Conseil d’Etat entend protéger. On trouve dans « le Pilori » journal de l’Union nationale, ceci

« Vous n’avez plus le droit d’être aveugles. Vous ne pouvez plus refuser les vérités que nous vous apportons. Il faut vous réveiller, montrer que vous avez du sang dans les veines. La Suisse nous regarde, c’est de Genève que partira la contre-révolution. Suivez-nous dès à présent. Vous serez forcés tôt ou tard de nous suivre pour défendre vos biens et vos territoires. Si vous ne votez pas pour nous aujourd’hui, avec des bulletins de vote, demain, fatalement, vous serez à nos côtés à coup de fusil contre la crapule »

Voilà les gens que le Conseil d’Etat entend protéger !
En 1932, la colère des travailleurs genevois est légitime : les scandales se multiplient : la faillite frauduleuse de Ipsa / Feuille d’Avis coûtera à l’Etat de Genève, 1,5 millions de francs, la mauvaise gestion de la caisse de prêts sur gages, 1/2 million, la banqueroute de la Banque de Genève, 16 millions et des milliers de petits épargnants ruinés. Genève compte 8000 chômeurs, annonces quotidiennes de baisses de salaires (8 à 10%) dans la métallurgie, multiplication des expulsions d’appartements. Et ce sont de ces gens-là, désarmés, qui seront froidement assassinés ce soir du 9 novembre 1932, devant le palais des expositions.

Où en sommes nous aujourd’hui, 71 ans après ?

Le monde vit mal. L’écart entre pays riches et pays pauvres ne cesse de s’accroître, en raison de la mondialisation de l’économie. Le recours à la violence contre les masses populaires est chose quotidienne. Les Etats-Unis d’Amériques sont dirigés par des cinglés, qui les entraînent dans des guerres coloniales criminelles : Somalie, Afghanistan, Irak … et demain ? Après 50 années de luttes, le peuple palestiniens
est toujours colonisé et vit dans la répression.

- On compte 150.000 chômeurs en Suisse, en majorité des jeunes, les quels, après avoir terminé leurs études, leurs apprentissages, sont à la recherche d’un premier emploi
- Un quart de la population du pays vit au-dessous du seuil de la pauvreté, soit moins de Frs 30.- par jour pour 3 repas, l’habillement, l’éclairage, les soins corporels !
- Une partie très importante de la population est privée de droits politiques
- La jeunesse est privée d’idéal et constitue un « marché » économique rentable
- La femme, pour un travail égal, gagne en moyenne 30% de moins qu’un homme
- Des milliers de gens sont contraint à une vie cachée, dans l’espoir d’obtenir une fois une autorisation de séjour
- Le pouvoir politique multiplie les cadeaux aux nantis et augmente la pression fiscale pour les salariés : « Prenez l’argent là où il est, chez les pauvres ! Ils n’en n’ont pas beaucoup, mais ils sont très nombreux ! « (Alphonse Allais)
- L’Etat se désengage de tâches qui pourtant lui sont imparties : postes télécommuni-
cations, chemins de fer, etc… Privatisation des bénéfices, collectivisation des déficits !

Les majorités bourgeoises s’attaquent à tous les acquis sociaux : l’AVS est en danger, le 2e pilier est en danger, l’assurance maladie ? une catastrophe !
La colère dans le peuple monte et face à elle les mêmes schémas : on abandonne des tâches de police à l’armée. On l’a vu lors des manifestations anti-G8, on le verra d’ici quelques semaines à Genève à l’occasion de la rencontre des chefs d’Etat au Forum de l’Information.

Pour la conclusion de cette intervention, on va emprunter la leçon que tire le Parti communiste au lendemain du massacre du 9 novembre dans un

Appel aux travailleurs socialistes et syndicalistes pour un front uni prolétarien
contre le fascisme et la répression
contre les baisses des salaires
contre la misère et le chômage
Seule l’action unie des travailleurs peut faire reculer la montée du fascisme !

Cela reste plus que jamais d’actualité. La priorité est aux luttes unitaires. Si on s’en écarte, on le paie et c’est la population qui est perdante. On l’a constaté lors des dernières élections
La manifestation anti-G8 est un vibrant exemple de lutte unitaire, Puis celle de septembre contre le démantèlement de l’AVS et du 2e pilier, puis toutes celles à venir, telle le rejet du « paquet ficelé fédéral », puis celles qui seront nécessaires
pour dénoncer intentions fascistes de l’UDC.

Nous rendons un hommage aujourd’hui à un vétéran de la guerre d’Espagne, Jo Marbacher, qui vient de nous quitter. Jo Marbacher était ouvrier à Genève, était à la manifestation du 9 novembre 1932, était de la garde ouvrière au côté du cercueil d’Henri Fürst, puis est parti combattre pour l’Espagne républicaine.

Vive l’Unité !
UDC no pasaran !