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TEXTE : LAURA HUNTER dans Le Courrier du 02-05-2016
Dans un contexte de sous-enchère salariale, de rabais d’impôts aux entreprises et de dégradation des prestations publiques, ce dimanche 1er mai n’était pas de tout repos pour les travailleurs. Placée sous le signe d’un front commun anti-austérité et de la campagne en faveur de l’initiative AVSplus, la manifestation a réuni à Genève plus de 2000 personnes, jeunes et moins jeunes. Le tout dans la bonne humeur, malgré la pluie et l’arsenal de policiers déployé en début d’après-midi (lire ci-contre).
Ecart patronat/travailleurs
En tête de cortège, le syndicat Unia affiche son désaccord avec les licenciements collectifs dans l’horlogerie. « Treize millions pour le PDG et un demi-salaire pour l’employé », dé- nonce la banderole. Joël, électro- technicien, « syndiqué depuis qu’il a été remercié à 59,9 ans », critique aus- si la délocalisation de Firmenich, la construction d’une usine de robots par Patek Philippe et l’automatisation des caisses enregistreuses. « J’ai honte de mon métier », affirme-t-il. Un peu plus loin, le syndicat SIT alerte contre la réforme RIE III. « Hold-up patronal sur les caisses de l’Etat », affiche-t-il. Carole-Anne Kast, présidente du Parti socialiste genevois, précise que la diminution des recettes de l’Etat sert ensuite de prétexte pour diminuer les prestations. « Il faut renforcer le premier pilier en votant en faveur de l’initiative AVSplus, car c’est une assurance sociale pour tous qui résiste aux fluctuations du marché et de l’emploi, au contraire du deuxième pilier qui exclut les femmes et ceux qui ont des interruptions de travail. »
Conscience collective
Parmi les manifestants, des membres du mouvement La Culture lutte, qui a lancé sa campagne en vue des votations du 5 juin contre les coupes budgétaires linéaires. Les anti- nucléaires sont aussi de la partie. « Là où le nucléaire passe, la démocratie trépasse », note une pancarte colorée. De même, diverses associations de soutien aux réfugiés ainsi que des représentants de ces derniers marchent sous la banderole « Welcome everybody ». « Tout en bas de la hiérarchie sociale, il y a les personnes en exil. C’est à elles que l’on réserve le pire de cette société », dénonce le communiqué du Collectif sans retour. Dans le bloc antiautoritaire, on insiste aussi sur l’im- portance d’un combat transversal. « La violence contre les femmes, l’homophobie et toute forme de racisme ou de délit de faciès sont inadmissibles, y compris au sein de nos mouvements », clame une jeune femme. Présent dès 11h devant la Pierre de Plainpalais, le monument à la mémoire des victimes du 9 novembre 1932, Pablo Cruchon (Solidarités) souligne l’importance de replacer la conscience collective des travailleurs hors des luttes sectorielles. « Nous devons développer une autre conception du travail, face à une politique néolibérale toujours plus agressive. Il est de l’intérêt des travailleurs de se comprendre et d’agir en tant que classe. Classe composée de 99% d’individus qui subissent les volontés d’un pour cent ! » Même constat du côté de Marc Simeth, président du Cartel intersyndical, qui annonce le prochain rendez-vous, le 28 mai, et appelle à un grand front anti- austérité.
En guise d’illustration de l’unité à l’œuvre durant cette journée, une note d’espoir et de poésie, apparue comme par magie au milieu du parc des Bastions : le Bestiaire alpin. Ce « manège-théâtre à propulsion parentale » est formé de sculptures en bois flotté qui représentent des animaux et accueillent des enfants, tandis que leurs parents et un pianiste font tourner la machine. I
« Un abus de démocratie »
Treize heures, place de Montbrillant. Alors que le défilé du 1er mai s’apprête à quitter le boulevard James- Fazy pour entamer le parcours prévu, le bloc antiautoritaire, dont la présence est prévue par le Comité d’organisation de la manifestation, est bloqué par la police. Celle-ci exige de fouiller les sacs, ce que les membres du bloc refusent. Face à une vingtaine de poli- ciers antiémeute armés jusqu’aux dents et de trois four- gons se trouvent une trentaine de manifestants, la plupart jeunes et le visage découvert. Le responsable de la police affirme qu’il répond aux ordres du chef d’engagement. « C’est illégal de ne pas nous laisser circuler sans nous appréhender. Avez-vous des motifs de suspicions ? » interpelle un militant. La présidente du Comité d’organisation du 1er mai, Emmanuelle Joz-Roland, arrive. La police lui demande de se porter garante en cas de dégâts et de procéder à la fouille des sacs. Même topo avec Pablo Cruchon. Aucune entente ne semble possible et la tension est là.
Pour le socialiste Sylvain Thévoz, on assiste à « un abus de démocratie contre-productif et à un délit de faciès choquant ». Finalement, face à l’annonce que la manifestation regroupée boulevard James-Fazy s’apprête solidairement à rejoindre le bloc antiautoritaire à Montbrillant, la police cède, sans exiger de garantie ou de fouille. Rebelote à l’arrivée du cortège aux Bastions, où le bus du bloc antiautoritaire est bloqué par les forces de l’ordre. Très vite, plusieurs personnes courent dans sa direction. Face à cette marée humaine, la police autorise enfin le véhicule à entrer... LH