Comité d’organisation du 1er Mai

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discours de Adnane HAJJI - Tunisie

mardi 1er mai 2012 par Claude Reymond

Mesdames, Messieurs,

je tiens tout d’abord à adresser mes vifs remerciements aux organisateurs de ce festival du 1mai 2012 à Genève. Mes remerciements vont en particulier à l’ ATTS et notamment messieurs : Mohamed Ben Henda et Matri Jalel.

“Vivre mieux plus simplement pour que ceux qui n’ont rien puissent simplement vivre” a dit Ghandi.

Aujourd’hui, les indignés se révoltent partout dans le monde pour qu’ils puissent vivre dignement dans cette situation mondiale compliquée et caractérisée par une attaque sauvage du capitalisme dans son stade élevé et avancé:l’impérialisme. C’est pour cela que la lutte ne doit pas être centrée uniquement sur la démocratie politique. Il faut aller vers la démocratie économique et sociale. A ce niveau, il y’a des changements dans la politique économique, la notion de développement. C’est à ça que les gens doivent penser. Il faut penser à une économie qui soit au service des besoins.
Dans la région arabe, les profonds changements politiques intervenus depuis fin 2010 ont largement marqué l’évolution des luttes dans le monde. Alors que la crise financière, économique et écologique mondiale est à son apogée, les révolutions arabes ont eu une incidence majeure sur la nature des luttes sociales et leurs formes dans le monde.

Partout dans le monde de nouveaux mouvements ont émergés pour dénoncer les politiques d’austérité, les situations d’oppression et de l’exclusion du plus grand nombre.

Ces nouveaux mouvements qui se sont inspirés des valeurs mises en avant par les révolutions tunisienne et égyptienne se sont étendus à plusieurs dizaines de villes du monde entier pour dénoncer l’injustice,l’oppression des forces économiques et financières dominantes et revendiquer le pouvoir pour les peuples.Aujourd’hui, quoi de plus exaltant que de fêter un acquis qui se présente comme étant le couronnement de trois siècles de lutte incessante que la classe ouvrière s’est imposée et a imposée à la société capitaliste afin de se soustraire au statut de cheptel mort où la société industrielle voulut la confiner.

Trois siècles, durant lesquels l’histoire a été forgée aux prix de milliers voire de millions de vies de travailleurs, ayant quitté ce monde soit sur leurs lieux de travail, soit sur le champ d’honneur de la lutte pour les droits de la classe ouvrière et la valorisation du travail en tant que valeur sublime fondant l’essence même de la modernité.

C’est aussi l’occasion de nous incliner avec toute la révérence due à nos camarades martyrs de cet âpre combat pour le droit et la dignité, combat dont nous essayons toujours de maintenir haut le flambeau, contre vents et marées, notre détermination se consolidant à mesure que les ennemis du progrès et de la dignité humaines prolifèrent, publiquement ou clandestinement, ou par les moyens de détournement des consciences que nous connaissons désormais très bien.

A tous les travailleuses et travailleurs du monde salut. Salut camarades de vos collègues tunisiens… de la Tunisie de Mohamed Ali El Hammi, de Farhat Hached, de Habib Achour fondateurs du mouvement syndical en Tunisie…et de bien d’autres figures qui ont marqué à jamais le paysage syndical tunisien et international le long du Vingtième siècle.

Vous n’êtes pas sans savoir, Mesdames et Messieurs, que le mouvement syndical tunisien a pris sur lui, en plus de ses luttes proprement ouvrières, la responsabilité d’être aux avant-postes de la lutte de libération nationale. Là où le défunt Farhat Hached a enrichi notre patrimoine de lutte par son martyre.
L’ouvrier tunisien, en ce sens, n’a jamais manqué un seul rendez-vous de l’histoire. Il était, est, et restera toujours aux premiers rangs de ceux qui n’ont jamais eu peur de crier haut et fort : Non à l’exploitation, non à l’asservissement, non au pillage des ressources du peuple, non à la culture de la soumission que les politiciens de tous bords tentent de lui ingurgiter à petites doses.

Un combat d’autant plus légitime qu’il s’appuie sur un projet de société réellement égalitaire, sans préjudice au mérite. Une société protégée par des institutions de régulations fortes, régulation des pouvoirs, des institutions…et surtout du rapport des forces dont le seul critère plausible demeure le travail effectif, et l’effort réel investi dans ce projet de société.

Le mouvement syndical tunisien qui n’a jamais été en défaut par rapport à la marche des peuples vers l’émancipation, en tant que nécessité historique, que fatalité historique même. C’est grâce à ces convictions largement partagées par les consciences des travailleurs tunisiens, tous secteurs compris, sauf les corrompus du régime déchu et la droite islamiste détermination de ses travailleurs a décidé, le matin d’un 5 janvier 2008, à Rédeyef, au bassin minier, d’en découdre avec l’Etat usurpateur et corrompu le plus violent de la région, et le plus répressif. En ce faisant, le travailleur tunisien annonçait l’éclosion d’une aire nouvelle : celle de la liberté pleine et entière, de la dignité nationale, et du droit au travail pour tous. Soit les trois slogans de la révolte de décembre 2010, ayant marqué l’achèvement d’une étape cruciale de la Révolution tunisienne toujours en marche, véritable détonateur de ce que le monde appelle désormais non sans fierté : Le Printemps Arabe.

Aussitôt en Libye, au Yémen, en Egypte, en Syrie et ailleurs, les peuples arabes ont découvert que sans leur volonté ferme, rien n’était partant pour un changement digne de ce nom.

Ce combat mondial contre la déshumanisation du travail, le travailleur tunisien en est pleinement au fait. C’est ce qui l’a motivé le long de ce marathon de lutte qui a fini par mener le monde…au Printemps Arabe.

Cet acharnement du travailleur tunisien à défendre ses droits bec et ongle, semble avoir développé chez tous ceux qui ont prix le pouvoir ou qui le visent, un reflexe d’hostilité primitive à l’action syndicale. Ceci est valable pour la France coloniale qui n’a pas rebuté à liquider une figure emblématique de l’action syndicale de la stature de Hached ; mais aussi, nos concitoyens-dirigeants qui, succombant à des mobiles politiques de caniveau, n’ont pas hésité à taper fort sur notre UGTT, en la dissolvant, et en embastillant les membres de sa direction légitime… C’était un certain jeudi 26 janvier 1978. Une offense grossière au principe de l’indépendance de l’action syndicale que le régime de Bourguiba paya comptant de sa prétendue pérennité.

Celui qui avait mené cette campagne contre l’un des fleurons des mouvements syndicaux dans le tiers monde n’était autre que Zinel Abidine Ben Ali, que les travailleurs ont balayé sans regret ni remords le 14 janvier 2011.

Pour celui-ci, les jeux étaient faits déjà en janvier 2008, quand le bassin minier de Gafsa, bastion historique de l’action syndicale bien concertée, décide d’en découdre avec un régime en déliquescence, et qui voulait se payer un lifting à Redeyef. C’est là, à Redeyef même, où le régime de Ben ali a épuisé ce qui lui restait comme solde de respectabilité non seulement aux yeux du peuple, mais aussi aux yeux de la terre tout entière, et des décideurs et mentors des dictatures qui nous pourrissaient la vie.

Un an et demi après, le travailleur tunisien suit avec un mélange d’inquiétude et de suspicion l’évolution de la situation sociale dans le pays. Les problèmes des travailleurs semblent avoir fait place auprès des nouveaux dirigeants, à des manœuvres primitives d’intimidations et d’actes et de déclarations qui visent à lester l’élan libérateur du travailleur tunisien que rien désormais n’arrêtera plus, sur la voie de l’émancipation totale de toutes les entraves à ses aspirations. Aucun modèle de société consacrant des rapports sociaux oppressants ne sera toléré. C’est un engagement que nous prenons ici à Genève, ensemble, travailleurs et travailleuses en ce 1er mai 2012.

Soyons solidaires chers camarades, mains dans les mains pour un autre monde possible.

PS:

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