Comité d’organisation du 1er Mai

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ENTREE DU PERSONNEL

Manuela Fresil - 2011 - France - 59 min - VF

jeudi 26 avril 2012 par Claude Reymond

" L’abattoir est loin de tout, tout au bout de la zone industrielle.

Au début, on pense qu’on ne va pas rester.

Mais on change seulement de poste, de service.

On veut une vie normale.

Une maison a été achetée, des enfants sont nés.

On s’obstine, on s’arc-boute.

On a mal le jour, on a mal la nuit, on a mal tout le temps.

On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus.

C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent.

Alors l’usine vous licencie.

A moins qu’entre temps on ne soit passé chef, et que l’on impose maintenant aux autres ce que l’on ne supportait plus soi-même. Mais on peut aussi choisir de refuser cela.

Entrée du personnel a été réalisé à partir de récits de vie de salariés et de scènes tournées dans de grands abattoirs industriels, sous la surveillance des patrons. "

A l’occasion de la désormais traditionnelle projection du 1er Mai sur le Mur des Réformateurs, le Spoutnik vous invite à découvrir en exclusivité suisse ENTREE DU PERSONNEL, primé en 2011 au FID de Marseille.

Aboutissement d’un cycle autour des mauvaises conditions de travail et d’élevage dans le milieu de l’industrie agro-alimentaire entrepris en 2003 avec SI LOIN DES BÊTES, le dernier film de Manuela Frésil se penche ici sur l’aliénation du travail à la chaîne dans les abattoirs.

La caméra y suit impassiblement les gestes répétitifs effectués à longueur de journée : Toujours plus vite pour toujours plus de rendement, les carcasses dépecées machinalement, le débit ininterrompu d’animaux traités comme autant de pièces détachables et empaquetables. Les témoignages de travailleurs énonçent les souffrances physiques et psychologiques, les cauchemars, les corps qui lâchent. Jour, nuit, au travail ou dehors, l’usine est omniprésente. L’absurdité de ce ballet mécanique apparaît dans toute son ampleur lorsque la réalisatrice invite les employés à reproduire leur gestuelle en plein air.

Une condamnation forte des dérives de la surproduction, visant non seulement les conditions de travail en usine mais aussi la logique consommatrice contemporaine dans son ensemble.

Le mardi 1er mai aux Bastions à 22h. Rocade au Spoutnik en cas de pluie. Gratuit

Cinema Spoutnik
4 place des Volontaires
CH-12o4 Genève
tel. ++41 22 328 09 26
fax ++41 22781 41 38

www.spoutnik.info


Note d’intention du film

À l’origine de ce film, il y a l’expérience sidérante de la visite d’un abattoir industriel. Le choc a été rude, et dans un premier temps, je n’ai vu que les bêtes.

Ce qui était de la chair devient viande. On reconnaît les morceaux, les jambons, les épaules, les côtes, les os, les muscles, tout au bout il y a la mise en barquettes.
L’abattage de masse sidère ; tout concourt à ne plus pouvoir rien penser de ce que l’on voit.
On m’avait dit que "travailler là-bas c’est terrible". Ce « terrible » je l’attribuais au fait de donner tant de fois la mort dans la journée. Puis j’ai rencontré des ouvriers. J’avais en tête des questions de morale. Mais ils m’ont dit comment les gestes dépecer, couper, désosser, répétés et répétés, usent leur propre corps.

Ils me disaient « Il faut couper le tendon là, entre ces os là… » en me montrant leur épaule, leur bras, leur dos. Les corps des animaux sont démembrés par la chaîne de production ; celui des hommes aussi. Les ouvriers souffrent de là où ils coupent les bêtes.
Ils me racontaient leur vie au présent, et ce présent était souvent le futur ou le passé d’un autre que je venais d’entendre. Tous finalement me racontaient la même histoire.

Au début, on pense qu’on ne va pas rester.
Mais on change seulement de poste, de service.
On veut une vie normale.
Une maison a été achetée, des enfants sont nés.
On s’obstine, on s’arc-boute.
On a mal le jour, on a mal la nuit, on a mal tout le temps.
On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus.
C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent.
Alors l’usine vous licencie.

On n’entre pas dans les usines sans l’accord des patrons et à l’image, chacun de nos cadres était évidemment surveillé. Notre seule liberté réelle était dans la durée des plans. Quelquefois le directeur qui nous accompagne se lasse et nous oublie. L’usine tourne comme si nous n’étions pas là.

L’abattoir que raconte ce film n’est pas un abattoir en particulier, c’est l’abattoir en général. Pour parvenir à en rendre compte, nous avons multiplié les lieux de tournage, accumuler les situations, et brouiller les pistes. Dans cette usine, on travaille la viande en général. Les bovins, les cochons, la volaille. Pour produire une matière, juste une matière. La viande.

Le film accorde deux récits, celui de l’image, celui du son. Ils racontent ensemble une réalité insoupçonnée car invisible et parfois indicible.



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