Comité d’organisation du 1er Mai

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Discours de 11h au monument des Brigadistes

Hervé Pichelin

lundi 1er mai 2006 par Claude Reymond

co-secrétaire général du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et de travailleurs (SIT) et vice-président de la CGAS

Chers-ères camarades, chers-ères amies,

Les thèmes de cette journée internationale des travailleuses et travailleurs sont la lutte contre la xénophobie et l’exclusion. Thèmes dictés par l’actualité puisque le peuple devra voter en septembre prochain sur deux textes qui représentent pour le mouvement syndical de véritables instruments d’exclusion et de xénophobie, à savoir la nouvelle loi sur les étrangers et la révision de la loi sur l’asile.

Année après année, mois après mois, l’ensemble des pays économiquement développés adopte des politiques restrictives et xénophobes en matière d’immigration et d’asile. Les débats en cours, aux Etats-Unis et en France sur le durcissement des législations existantes en sont la preuve. Pourtant le capitalisme à l’échelle mondiale appauvrit des populations entières et obligent des femmes et des hommes à quitter leurs familles, leurs amis, leurs pays pour trouver dans nos contrées un revenu plus décent et des conditions de vie plus supportables. Pourtant l’existence de régimes politiques dictatoriaux, souvent parfaitement intégrés dans le système d’échanges néo-libéral pousse aussi des femmes et des hommes à demander l’asile dans nos pays ou les droits sociaux et politiques sont davantage garantis.

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Hervé PICHELIN

Ainsi la contradiction entre des politiques xénophobes qui visent à fermer les frontières et des politiques économiques qui au contraire prônent la suppression de tout obstacle à la circulation des capitaux et des marchandises est-elle chaque jour plus apparente. Si le capitalisme est prêt à tout pour favoriser la libre-circulation des flux financiers, il s’oppose également partout à une véritable libre-circulation des personnes.

La criminalisation de l’immigration et de l’asile politique au travers des deux lois soumises à référendum démontre que la Suisse n’est évidemment pas épargnée par cette tendance. Si le mouvement syndical a combattu toutes les initiatives xénophobes que l’extrême-droite a régulièrement lancé pour limiter, voire interdire de fait, l’immigration ou l’asile dans ce pays, il doit constater aujourd’hui que les projets xénophobes ne sont plus les enfants d’un quelconque Schwarzenbach ou d’un groupuscule extrémiste. Ce sont bien le Conseil fédéral et la majorité politique aux chambres fédérales qui mettent en œuvre ces machines à exclusion, au mépris d’ailleurs des conventions internationales existantes et des droits humains fondamentaux.

Mais soyons lucides et faisons notre autocritique. Si les syndicats et les partis politiques de gauche sont aujourd’hui unanimes à condamner le caractère xénophobe de ces deux lois, l’histoire, même récente, nous démontre que notre attitude a été ambiguë sur les questions liées à l’immigration. Durant les années de prospérité qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, nos organisations ont parfois joué avec le feu de la xénophobie et du racisme en brandissant le spectre de la surpopulation étrangère et du dumping salarial. Les salariés-es immigrés-es ont trop souvent été les instruments d’un marchandage avec le patronat, marchandage destiné à améliorer les conditions de travail de celles et ceux, suisses ou immigrés-es, déjà présents-es en Suisse. Nous en payons maintenant encore le prix quand des collègues sur les lieux de travail stigmatisent l’Autre, l’immigré-e, le-la frontalier-ère comme raison première de la dégradation des conditions de travail ou du chômage. Ou quand le-la requérant-e est assimilé-e à un-e « faux-sse réfugié-e » voire à un-e dealer-euse potentiel-le.

C’est pourquoi la campagne référendaire doit-elle être l’occasion de rappeler une vérité trop souvent écartée. La xénophobie et l’exclusion ne sont que les aspects les plus visibles et les plus repoussants d’un élément essentiel au fonctionnement du système capitaliste, à savoir la concurrence entre toutes et tous. Entre nationaux-ales et étrangers-ères, entre femmes et hommes, entre actifs-ves et chômeurs-ses. Si nous luttons contre ces deux lois, ce n’est donc pas par compassion ou par charité envers les salariés-es non-européens et les requérants-es d’asile. C’est par conviction qu’il ne saurait y avoir d’autres voies que la solidarité et la coopération entre les femmes et les hommes de tous les pays pour créer les conditions d’un « autre monde possible ». Et que la libre-circulation et l’asile politique sont des expressions premières de cette solidarité et de cette coopération.

C’est cette conviction qui nous a amené à soutenir l’an dernier l’extension de la libre-circulation aux nouveaux pays européens et qui nous conduit aujourd’hui à exiger les mêmes conditions pour les non-européens.

Mais l’exclusion n’est pas seulement à l’œuvre entre Suisses et étrangers-ères. Elle ne se résume pas non plus à ces deux seules lois. Elle est au cœur de l’ensemble des luttes syndicales actuelles, égalité entre les femmes et les hommes au travail comme dans le couple, régularisation des sans-papiers, défense des services publics, droits des chômeurs-ses, lutte contre les diminutions de prestations pour les bénéficiaires de l’aide sociale, pour ne citer que quelques exemples dans notre actualité.

En cette journée des travailleuses et des travailleurs, il nous faut donc rappeler que toute lutte pour l’égalité des droits, toute démarche collective pour défendre ou conquérir des droits, toute solidarité qui s’exprime sur les lieux de travail, dans le champ politique ou dans le domaine social sont des armes contre l’exclusion et l’individualisation que le capitalisme génère. Et cette conviction ne doit pas seulement nous habiter le temps d’une campagne référendaire.



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